Barroso est-il malhonnête ou indélicat ?

Les eurodéputés socialistes et radicaux reviennent à la charge contre le recrutement de l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso par Goldman Sachs en indiquant qu’ils vont entreprendre « toutes les démarches pour le rendre impossible » et, à défaut d’y parvenir, ils exigent une « traçabilité intégrale [… de] tous les contacts entre Barroso et [les institutions européennes] ».

Qualifié d’ « indécent », « indigne » et « honteux », la délégation socialiste française au parlement européen dit vouloir entreprendre toutes les démarches pour rendre impossible le recrutement de M. Barroso par la succursale londonienne de la banque américaine Goldman Sachs en tant que « président non-exécutif des activités internationales » mais surtout « conseiller » en charge du Brexit.

Pour les députés socialistes européens, ce pantouflage, bien qu’il intervienne 18 mois après la fin de son mandat, constituerait néanmoins une violation par M. Barroso de l’article 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui dispose que :

Les membres de la Commission […] prennent, lors de leur installation, l’engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages. En cas de violation de ces obligations, la Cour de justice […] peut […] prononcer […] la déchéance du droit à pension de l’intéressé ou d’autres avantages en tenant lieu.

et du serment qu’il a fait le 3 mai 2010 en application des articles 17 du traité sur l’Union européenne (TUE) et 245 du TFUE :

Je m’engage solennellement […] à respecter, pendant la durée de mes fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de ma charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages.

Si malgré tous leurs efforts pour amener Goldman Sachs à renoncer à cette embauche ou à faire en sorte que la Cour de justice soit saisie par le Conseil des ministres ou la Commission pour qu’elle se prononce sur la déchéance du droit à pension de M. Barroso, les eurodéputés socialistes « exige[nt] une traçabilité intégralité d’absolument tous les contacts entre M. Barroso et ses équipes avec des membres, des fonctionnaires et de représentants de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil » avec des sanctions « au premier manquement ».

Les parlementaires européens disent ne pas être dupes et que Goldman Sachs entend par ce recrutement « contourner la perte du ‘passeport européen’ pour les banques situées au Royaume-Uni suite au Brexit » mais la question plus générale est de savoir s’il est malhonnête et/ou indélicat de mettre son carnet d’adresses à disposition à l’instar des nombreux Sarkozy, Clinton et autres Dati ou si M. Barroso a effectivement été recruté, à l’issue de la période de 18 mois après la fin de son mandat, pour ses seules compétences juridiques, c’est-à-dire son excellente maîtrise réelle ou supposée de la législation européenne dans la matière considérée.

La question est ouverte, M. Barroso, 60 ans, n’étant ni le premier ni le dernier, des deux côtés de l’Atlantique, à vouloir tirer parti d’une renommée acquise à la tête d’un ministère, d’un pays ou d’une organisation internationale.