Complément Poste : L’égalité de traitement ne vaut que pour une situation identique ou similaire

« C’est à celui qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare », a jugé mercredi, dans trois arrêts distincts de principe destinés à une large publication (P+B+R+I) et accompagnés d’une note explicative, la Cour de cassation à propos d’un contentieux sériel particulièrement nourri concernant un élément de rémunération applicable aux agents de La Poste dénommé « complément poste ».
Depuis la réforme issue de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, La Poste emploie deux catégories de personnel. Des fonctionnaires relevant du statut général de la fonction publique d’une part, et, d’autre part, des salariés de droit privé soumis au régime des conventions collectives.
C’est pour harmoniser le régime de rémunération de ces deux catégories de personnels que La Poste a, en avril 1993, regroupé la cinquantaine de primes et indemnités diverses versées aux fonctionnaires au sein d’une indemnité unique dénommée « complément poste » et s’est engagée à « faire converger le montant de cette indemnité de manière à ce que les agents d’un même niveau de fonctions, quel que soit leur statut, perçoivent un complément indemnitaire d’un montant équivalent, sauf à distinguer les intéressés selon leurs mérites individuels ». Et par une décision interne du 4 mai 1995, « codifiée » sous la référence RH 32, le président du conseil d’administration de La Poste a défini les règles d’évolution de ce « complément poste » en énonçant notamment qu’il « rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ».
À plusieurs reprises, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’interprétation qu’il convenait de donner de ce dispositif en appliquant « les règles propres au principe d’égalité de traitement, qui a toujours fondé les demandes des salariés » et pour faire droit à leurs demandes, les juges du fond doivent constater que « les fonctionnaires auxquels les agents de droit privé se comparent occupent des fonctions identiques ou similaires aux leurs et au même niveau »
Pour écarter le constat d’une différence de traitement injustifiée, il appartient ensuite à La Poste de démontrer « la plus grande maîtrise de son poste par le fonctionnaire laquelle ne peut reposer sur sa seule ancienneté déjà prise en compte dans la rémunération de base »
Ces trois nouveaux arrêts ne dérogent pas à ces règles mais apportent une précision en ce sens que la règle précitée issue de la RH 32 ne doit pas être lue comme signifiant que le « complément poste », comme le soutenaient les salariés, ne rétribuerait que le niveau de fonction car, au contraire, cet élément de rémunération « rétribue un travail effectué à un certain niveau et selon une certaine maîtrise du poste ».
La chambre sociale approuve ainsi un arrêt de la cour d’appel de Toulouse qui avait rejeté la demande présentée par une salariée qui ne se comparait à aucun fonctionnaire exerçant au même niveau des fonctions identiques ou similaires aux siennes
À l’inverse, la haute juridiction judiciaire censure les décisions qui avaient fait droit aux demandes sans égard pour les fonctions exercées respectivement par le salarié et le fonctionnaire de comparaison, ces décisions faisant une application erronée du principe d’égalité de traitement, en assimilant, par exemple, le personnel d’accueil aux chauffeurs poids-lourds qui exercent au même niveau "I – 3".
Cette série de pourvois est également l’occasion pour la Cour de cassation de préciser que c’est à celui qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare
Soutenant, à tort, l’argumentation selon laquelle le « complément poste » n’aurait rétribué que le niveau — indépendamment des fonctions exercées —, les salariés s’étaient refusés à préciser les fonctions exercées aussi bien par eux-mêmes que par le fonctionnaire auquel ils se comparaient et ne démontraient donc pas « se trouver dans une situation identique ou similaire à celle du collègue dont ils demandaient à percevoir un "complément poste" de même montant », la Cour de cassation a dès lors estimé qu’elle pouvait, en statuant sans renvoi, mettre fin elle-même à ces litiges.