Lanceurs d'alerte : Une ancienne salariée de Thales sur la voie de la réintégration

La chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé mercredi l’arrêt confirmatif du juge de l’urgence de la cour d’appel de Versailles déboutant une lanceuse d’alerte qui demandait que soit constatée la nullité de son licenciement intervenu en violation des dispositions protectrices de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II.
En l’espèce, engagée par la société Thales à compter du 1er septembre 2014 et transférée à compter du 1er juillet 2017 à une filiale, Thales Six GTS France, en tant que "Responsable du département offres et projets export", une salariée a été licenciée le 27 mai 2020 après avoir saisi, le 24 mars 2019, le comité d’éthique du groupe pour signaler « des faits susceptibles d’être qualifiés de corruption » mettant en cause l’un de ses anciens collaborateurs et son employeur et, le 7 octobre 2019, pour signaler, au même comité, la situation de « harcèlement » dont elle estimait faire l’objet à la suite de cette alerte qui concernait le transfert, en 2017, d’un salarié de Thales chez un de ses clients, l’Organisation des Nations unies (Onu), tout en gardant sa rémunération Thales, sans en informer son nouvel employeur, et en demandant, en 2018, une contrepartie financière à Thales pour lui fournir des « informations utiles à son business » glanées au sein de l’organisation internationale.
À l’unisson, malgré le soutien de l’association Maison des lanceurs d’alerte, du syndicat Spic-Unsa et du Défenseur des droits intervenus volontairement à l’instance, les juridictions prud’homale et d’appel
Au visa notamment de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 mars 2022, selon lequel :
« […] aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération […], de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. En cas de litige […], dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 [précités], il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles »,
la juridiction suprême
Tout en relevant qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause la bonne foi de la salariée et lui accorder la qualité de lanceur d’alerte, la juridiction versaillaise avait en effet cru pouvoir retenir que le lien entre « la réelle détérioration de la relation de travail » et « l’alerte donnée » ne ressort pas « de manière manifeste » des évaluations professionnelles de celle-ci, d’une part, et, d’autre part, l’employeur apporte « un certain nombre d’éléments objectifs » afin d’expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles, ajoutant que la lettre de licenciement ne visait que des griefs portant « exclusivement sur le travail de la salariée » et leur examen relève du juge du fond. Un renversement de la charge de la preuve qui a donc été sanctionné à juste titre et l’affaire sera réexaminée par la même cour autrement composée.
La Maison des lanceurs d’alerte se félicite de cette décision qui constitue « une réelle victoire » pour les droits des lanceurs d’alerte et réaffirme son soutien à la salariée.