Licenciement : La poursuite d’un contrat temporaire ne se justifie pas en cas de requalification en CDI

Le droit à l’emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au-delà du terme de la mission de travail temporaire en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée (CDI), a jugé jeudi la Cour de cassation.
Mis à disposition de la société SCC, du 10 juillet 2012 au 31 décembre 2013, par l’entreprise de travail temporaire Adecco, en qualité de technicien de proximité informatique, dans le cadre d’une succession de missions temporaires et de renouvellement conclus pour accroissement temporaire d’activité, un salarié avait saisi, avant l’expiration de sa dernière mission, la formation de référé de la juridiction prud’homale pour en obtenir la requalification en CDI.
Le jugé de l’urgence s’est déclaré, le 27 décembre 2013, incompétent quant à la demande de requalification mais a toutefois ordonné la poursuite de la relation contractuelle jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la demande de requalification en CDI, ce qui a été infirmé par un arrêt du 5 septembre 2014 de la cour d’appel de Rennes.
Saisi par ailleurs sur le fond, le conseil de prud’hommes a fait droit, les 15 mai et 7 juillet 2014, à la demande de requalification du salarié ainsi qu’au paiement de diverses sommes et à la poursuite du contrat de travail, ce que confirmera un arrêt du 11 mai 2016 de la cour d’appel qui retient que « le contrat de travail, requalifié du salarié qui a agi en justice avant le terme de son dernier contrat de mission à l’effet de faire respecter sa liberté fondamentale au maintien du salarié dans l’emploi suite à la violation des dispositions relatives aux conditions restrictives de recours au travail temporaire, n’a pas été rompu et est toujours en cours depuis le 10 juillet 2012, peu important en la matière, la circonstance que l’ordonnance de référé du 27 décembre 2013 ait été entre-temps infirmée par l’arrêt du 5 septembre 2014 survenu cependant postérieurement au jugement déféré et qu’aucune disposition du code du travail ne sanctionne expressément la requalification par la poursuite des relations contractuelles entre l’intérimaire et la société utilisatrice ».
Censure de la chambre sociale de la Cour de cassation
En l’absence de texte restreignant la faculté pour l’employeur de licencier le salarié, la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur n’ouvre en effet droit qu’à des réparations de nature indemnitaire, de sorte qu’à défaut de disposition le prévoyant ou de violation d’une liberté fondamentale, le juge ne peut annuler un licenciement
La chambre sociale avait déjà eu l’occasion de retenir une telle nullité dans des hypothèses où l’employeur avait rompu le contrat de travail en violation du droit du salarié d’agir un justice, notamment dans des hypothèses de mesures de rétorsion à la saisine de la juridiction prud’homale
L’arrêt rendu dans cette espèce apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles peut être retenue la nullité de la rupture d’un contrat de mise à disposition requalifié en contrat à durée indéterminée. Au particulier, la cour d’appel avait retenu la nullité de la rupture d’un contrat de travail à durée déterminée requalifié en contrat de travail à durée indéterminée. Elle avait ainsi considéré que le salarié avait agi en justice afin de faire respecter sa liberté fondamentale au maintien dans l’emploi à la suite d’une violation des dispositions relatives au recours au travail temporaire. La censure était encourue dans la mesure où le droit à l’emploi, qui résulte de l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 n’est pas une liberté fondamentale, mais un « droit-créance », explique la Cour de cassation dans une note explicative, qui doit être « concilié avec d’autres droits ou principes constitutionnels, tels que la liberté d’entreprendre qui fonde, pour l’employeur, le droit de recruter librement ou de licencier un salarié ». La définition de cet équilibre entre deux droits de nature constitutionnelle relève du législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. En revanche, un justiciable ne peut pas se prévaloir directement dans le cadre d’un litige d’une violation du droit à l’emploi, sauf à vider de leur substance les autres droits constitutionnels avec lesquels ce droit doit être concilié.
La chambre sociale censure également les motifs de la cour d’appel par lesquels elle avait relevé que le juge des référés avait ordonné la poursuite du contrat de travail. En effet, cette décision, déjà contestable au regard des pouvoirs du juge des référés dès lors que le droit à l’emploi n’est pas une liberté fondamentale dont la violation justifierait la nullité de la rupture du contrat de travail, a été annulée par un précédent arrêt de la cour d’appel, de sorte qu’il n’était plus possible de s’en prévaloir lorsque l’affaire a été évoquée au fond en appel. L’affaire sera rejugée par la cour d’appel d’Angers.