Obligations : Définition des offres et promesses de contrat de travail

Dans deux arrêts distincts, la chambre sociale de la Cour de cassation modifie sa jurisprudence et précise les définitions respectives de l’offre et de la promesse unilatérale de contrat de travail, à la lumière de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Le club de rugby Union sportive carcassonnaise avait proposé, le 22 mars 2012, à un joueur international de rugby une offre de contrat de travail pour les saisons 2012/2013 et 2013/2014 à laquelle était jointe une convention prévoyant l’engagement pour les saisons sportives 2012/2013 et 2013/2014, une rémunération mensuelle brute de 3 875 euros pour la saison 2012/2013 et de 4 200 euros pour la saison 2013/2014, la mise à disposition d’un logement et d’un véhicule et un début d’activité fixé au 1er juillet 2012. Un autre joueur avait reçu une offre similaire le 25 mai 2012.
Dans un courriel transmis le 6 juin 2012 à l’agent du joueur, le club a indiqué aux deux joueurs « ne pas pouvoir donner suite aux contacts noués avec ce dernier » mais le 12 juin 2012 dans un cas et le 18 juin 2012 dans l’autre, la promesse signée était retournée au club et soutenant que la promesse d’embauche valait contrat de travail, les deux joueurs ont saisi la juridiction prud’homale en paiement de diverses sommes au titre de la rupture.
Pour condamner le club à payer des indemnités au titre de la rupture abusive, la cour d’appel de Montpellier avait retenu que la promesse d’embauche transmise le 22 mars 2012 au premier et le 25 mai 2012 au second via l’agent et représentant des joueurs mentionnait « l’emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d’entrée en fonction » de sorte que cet écrit, selon la juridiction d’appel, constitue bien « une promesse d’embauche valant contrat de travail » et dans la mesure où les joueurs avaient accepté la promesse d’embauche, elle en déduisait qu’un contrat de travail avait été formé entre parties bien que le club de rugby ait « finalement renoncé à engager [les joueurs], même antérieurement à la signature du contrat […] », la promesse d’embauche « engage l’employeur même si le salarié n’a pas manifesté son accord ».
Pour casser l’arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation
La chambre sociale jugeait en effet jusqu’à présent de manière constante que la « promesse » d’embauche précisant l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction valait contrat de travail
Par ailleurs, dès lors que la promesse d’embauche mentionnant la date d’entrée en fonction et l’emploi proposé valait contrat de travail, l’employeur se trouvait empêché de la retirer, même si le salarié ne l’avait pas encore acceptée. La chambre sociale s’éloignait ici de la jurisprudence de la troisième chambre civile qui considère que la rétractation de l’offre de contracter avant son acceptation fait obstacle à la conclusion du contrat
Suivant une méthode adoptée par la Chambre mixte
En l’espèce, un club de rugby avait fait des propositions d’engagement à deux joueurs professionnels, propositions qu’il avait finalement retirées avant que ces derniers ne manifestent leur acceptation. Les deux joueurs soutenaient que les « promesses » d’embauche, qui précisaient la date d’entrée en fonction et l’emploi proposé, ainsi que la rémunération applicable, valaient contrat de travail et réclamaient à l’employeur des indemnités pour rupture injustifiée d’un contrat de travail à durée déterminée.
L’application rigoureuse de la jurisprudence de la chambre sociale pouvait avoir pour effet d’assécher les possibilités de négociations pré-contractuelles, car un employeur qui s’avance trop, risque de se voir opposer la conclusion d’un contrat de travail, alors même que ce sont les précisions sur les dates d’entrée en fonction, l’emploi proposé ou la rémunération qui permettent aux parties de se déterminer et au salarié de conclure ou de préférer un autre employeur dont les offres lui paraîtraient plus avantageuses. En cas de négociations parallèles, le salarié peut être destinataire de plusieurs propositions répondant à la définition posée par l’arrêt du 15 décembre 2010. De plus, il y a un risque d’effet d’aubaine non négligeable, le salarié pouvant réclamer des indemnités de rupture sur le seul fondement de la promesse d’embauche, alors même qu’il n’avait pas l’intention de s’engager ou qu’il préférait une autre proposition.
La chambre sociale a pris acte des choix opérés pour l’avenir par le législateur avec l’ordonnance du 10 février 2016 ainsi que de la jurisprudence des autres chambres civiles de la Cour de cassation pour modifier sa jurisprudence en précisant les définitions respectives de l’offre et de la promesse unilatérale de contrat de travail : « L’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur ». En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis ».