PSE : Les avantages d’une seconde procédure ne profitent pas à ceux d’une première procédure

Cour de cassation

Lorsque deux procédures de licenciement économique collectif sont successivement engagées dans l’entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) distincts, les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure ne peuvent bénéficier des avantages réservés à ceux de la seconde procédure, a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation qui a censuré deux arrêts pour avoir fait une fausse application du principe d’égalité de traitement.

De manière constante, la chambre sociale juge que si un PSE peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d’attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlablesSoc., 12 juill. 2010, n° 09-15182, Bull. 2010, V, n° 166., principe institué et appliqué entre des salariés relevant d’un même PSE élaboré au cours d’une même procédure de licenciement économique collectifSoc., 5 déc. 2012, n° 10-24219, Bull. 2012, V, n° 321 ; Soc., 23 oct. 2013, n° 12-23457, Bull. 2013, V, n° 243 ; Soc., 9 juill. 2015, n° 14-16.009, Bull. 2015, V, n° 154 ; Soc., 28 oct. 2015, n° 14-16.115, Bull. 2015, V, n° 206..

Dans les deux espèces soumises à la censure de la Cour de cassation, il s’agissait de l’application du principe d’égalité de traitement entre des salariés ayant bénéficié de mesures prévues dans des plans de sauvegarde distincts et élaborés dans le cadre de procédures de licenciement économique successives.

Dans la première espèceSoc., 29 juin 2017, n° 16-12007, 16-12009 et 16-12058, société Géodis Logistics Ouest c/ Richard X et a., à la suite d’une réduction significative des prestations confiées par son principal donneur d’ordre courant 2005, une société avait été conduite à engager une procédure de licenciement économique collectif emportant la suppression de 224 postes sur 285 dans l’un de ses établissements avec la mise en place d’un PSE en décembre 2005. À la suite de la rupture définitive des relations commerciales avec le principal donneur d’ordre, avaient été décidés la fermeture de cet établissement, l’engagement d’une nouvelle procédure de licenciement économique collectif emportant la suppression de 57 postes de travail sur les 64 restants sur le site, et l’adoption d’un plan de sauvegarde de l’emploi le 10 avril 2007 prévoyant notamment une indemnité spécifique de fermeture de site de 12 030 euros au bénéfice de l’ensemble des salariés visés par cette seconde procédure. S’estimant lésés par le fait qu’une telle indemnité n’avait pas été prévue par le PSE du 16 décembre 2005 dont ils avaient bénéficié, des salariés licenciés en janvier 2006 dans le cadre de la précédente procédure ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement d’une telle indemnité sur le fondement du principe d’égalité de traitement.

La cour d’appel d’ Angers avait fait droit aux demandes des salariés en énonçant qu’une différence de traitement peut être invoquée lorsque deux plans de sauvegarde de l’emploi se succèdent au sein de la même entreprise pour retenir ensuite que la circonstance que le second PSE et la procédure de licenciement collectif pour motif économique qu’il accompagnait se soient inscrits dans le cadre d’une fermeture du site alors que le premier PSE et la première procédure de licenciement collectif pour motif économique s’étaient inscrits dans le cadre de la suppression d’un grand nombre d’emplois au sein de cet établissement « ne suffisait pas, en soi, à caractériser une différence de situation propre à justifier le versement de l’indemnité litigieuse aux seuls salariés licenciés en 2007 ». Après une analyse des circonstances économiques et sociales ayant conduit aux procédures de licenciement économique collectif successives, la cour d’appel avait considéré qu’au regard de l’objet de l’avantage en cause, les salariés licenciés en 2006 avaient été confrontés à une déception et à un traumatisme moral identiques à ceux vécus par leurs collègues un an plus tard et que la rupture anticipée des relations commerciales avec le principal donneur d’ordre, la fermeture de site, les possibilités de reclassement et de retrouver un nouvel emploi ne constituaient pas « des raisons objectives et pertinentes propres à justifier une différence de traitement entre les salariés licenciés en 2007 et ceux licenciés en janvier 2006 ».

Dans la seconde espèceSoc., 29 juin 2017, n° 15-12008, société Laboratoire Chauvin c/ X, un salarié avait saisi la juridiction prud’homale pour demander la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité pour violation du principe d’égalité de traitement en se prévalant d’une différence injustifiée du montant de l’indemnité complémentaire et de la durée du congé reclassement prévus dans les plans de sauvegarde de l’emploi successifs décidés au sein de l’entreprise, l’un arrêté le 4 mai 2009 dont il relevait et celui arrêté le 3 juin 2010.

Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel de Montpellier a retenu que « si le montant de l’indemnité complémentaire et la durée du congé de reclassement résultaient de plans distincts, ceux-ci conféraient néanmoins des avantages de même nature […] la différence de traitement entre les salariés relevant du PSE arrêté en 2010 et ceux qui avaient fait l’objet d’un licenciement dans le cadre du plan de l’année précédente ne reposait sur aucune raison objective et étrangère à toute discrimination prohibée […] pour justifier ces différences de traitement d’un plan par rapport à l’autre, il n’était allégué aucune difficulté particulière de reclassement professionnel ni de niveau de qualification différent des salariés concernés ou d’une dégradation de la situation de l’emploi […] le seul fait de procéder à une réorganisation de l’entreprise en deux licenciements collectifs avec négociation de PSE distincts ne constituait pas une raison objective justifiant une différence de traitement ».

La chambre sociale de la Cour de cassation censure les deux arrêts pour avoir fait une fausse application du principe d’égalité de traitement aux motifs que « [lorsque] deux procédures de licenciement économique collectif [sont] successivement engagées dans l’entreprise accompagnées de PSE […], les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure ne sont pas dans une situation identique à celles des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle [a] été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant l’avantage revendiqué [par les premiers salariés licenciés] ».

La succession dans le temps de procédures de licenciement économique collectif implique une évolution du contexte économique et social ayant donné lieu à ces procédures. Les PSE, établis par l’employeur dans le cadre de ces procédures successives en fonction des besoins des salariés concernés par chacune des procédures et des moyens de l’entreprise ou du groupe évalués au moment de leur élaboration et soumis à chaque fois à la consultation des institutions représentatives du personnel qui peuvent en demander l’amélioration, répondent en effet à des circonstances particulières et présentent nécessairement un équilibre qui leur est propre. D’une procédure de licenciement économique collectif à une autre dans une même entreprise, les salariés licenciés ne sont pas placés dans une situation identique propre à leur permettre de revendiquer les avantages d’un PSE élaboré dans le cadre d’une procédure qui ne les a pas concernés.