Serment : Refuser de dire « je le jure » n’est pas un motif de licenciement

Nul besoin de jurer pour prêter serment.
Nul besoin de jurer pour prêter serment.

Dans un dossier de prestation de serment remontant à l’automne 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation met fin au suspens en cassant partiellement mercredi un arrêt rendu sur renvoi après une première cassation qui avait rejeté la demande de nullité d’un licenciement au motif que la formule juratoire est dénuée de connotation religieuse.

Embauchée le 25 septembre 2006 par la RATP (Régie autonome des transports parisiens) en qualité de stagiaire pour une mission de quatre mois et puis, à compter du 5 février 2007, en tant que « animateur agent mobile », son engagement définitif était subordonné, en application de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, à son assermentation qui devait avoir lieu le 28 septembre 2007 devant le président du tribunal de grande instance qui a fait acter au procès-verbal que la salariée « indique au tribunal que sa religion [chrétienne] lui interdit de prêter le serment prévu par la loi » qui est « Je jure et promets de bien et loyalement remplir mes fonctions et d’observer en tout les devoirs qu’elle m’impose. Je jure et promets en outre d’observer fidèlement les lois et règlements concernant la police des chemins de fer et de constater par des procès-verbaux les contraventions qui viendraient à ma connaissance ».

Licenciée au motif qu’elle avait refusé de prêter le serment prévu par la loi, la salariée avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral dont elle a été débutée en première instance et en appel au motif que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en l’espèce la faute commise en ayant refusé de se soumettre à la procédure d’assermentation.

Dans un premier arrêt, la chambre socialeSoc., 1er févr. 2017, n°16-10459. avait cassé la décision aux motifs, d’une part, que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par la loi de 1845 peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion et, d’autre part, que la salariée n’ayant pas commis de faute, le licenciement basé sur ses convictions religieuses était discriminatoire et donc nul.

De retour devant le juge d’appel, la cour de ParisParis, 24 janv. 2019. a résisté en rejetant, à nouveau, la demande de nullité du licenciement aux motifs que la formule juratoire est dénuée de connotation religieuse, soulignant par ailleurs que l’employeur n’avait fait que respecter la loi, qui exige l’assermentation pour exercer les fonctions d’agent de contrôle, en licenciant la salariée pour faute.

C’est au visa des articles 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 1232-1 du code du travail que la chambre socialeSoc., 7 juill, 2021, n° 20-16206, Mme X c/ Régie autonome des transports parisiens (RATP). casse partiellement en disant pour droit que le respect de la liberté de conscience et de religion impose de permettre à une personne qui prête serment de substituer à la formule « Je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel telle que, par exemple, « Je le promets solennellement ».

Le fait de refuser de dire « Je le jure » à l’occasion d’une prestation de serment ne constitue donc pas une faute et le licenciement prononcé en novembre 2007 par la RATP sur ce seul et unique fondement est jugé, sans renvoi, sans cause réelle et sérieuse mais il n’est toutefois pas nul car il n’a pas été prononcé, selon la juridiction suprême, en raison des convictions religieuses de la salariée. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Versailles uniquement sur la détermination de l’indemnisation due à la salariée à ce titre.