Temps de travail effectif : Le temps de trajet rémunéré dans certains cas

Le temps de trajet des commerciaux itinérants doit être rémunéré
Le temps de trajet d'un commercial itinérant doit être rémunéré s'il ne peut vaquer à ses occupations personnelles.

La chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté mercredi le pourvoi de la société Decayeux critiquant les juges du fond qui avaient retenu que « les temps de trajet entre le domicile et les premier et dernier clients » d’un salarié commercial itinérant devaient être « intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel » dans la mesure où ledit salarié devait « se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives [pendant ces trajets] sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ».

En l’espèce, un salarié, engagé en qualité d’attaché commercial à compter du 4 mai 2009, par la société Decayeux — qui fête son 150e anniversaire cette année —, se rendait chez ses clients avec le véhicule mis à disposition par son employeur et au cours de ses trajets automobiles, il exerçait ses fonctions commerciales habituelles à l’aide de son téléphone mobile professionnel muni d’un kit main libre, étant précisé qu’une partie de ces communications téléphoniques professionnelles avaient lieu sur le chemin qui le menait de son domicile à son premier client puis de son dernier client à son domicile sans que ce laps de temps ne fît l’objet d’une rémunération.

Licencié le 19 octobre 2015 alors qu’il avait saisi, neuf mois plus tôt, dès le 15 janvier 2015, la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, l’employeur s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la cour de RennesRennes, 7e ch., 17 sept. 2020, X c/ société Éts Decayeux. qui l’a condamné à payer diverses sommes à titre de rappel d’heures supplémentaires, de congés payés afférents et d’indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé, outre la résiliation judiciaire du contrat et les indemnités correspondantes (préavis, congés payés, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Pour faire droit aux demandes du salarié, les juges d’appel ont retenu que le salarié, qui devait « pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens », exerçait des fonctions de ‘technico-commercial’ itinérant qui ne se rendait que « de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail et disposait d’un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l’entreprise répartis sur sept départements du Grand Ouest éloignés de son domicile, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d’une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d’hôtel afin de pouvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées ».

C’est à la faveur de cette espèce particulière et de l’évolution de l’interprétation que donne la Cour de justice de l’Union européenneCJUE, 10 sept. 2015, n° C-266/14, Tyco ; 9 mars 2021, C-580/19, Stadt Offenbach am Main ; C-344/19, Radiotelevizija Slovenija. de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail que la juridiction suprêmeSoc., 23 nov. 2020, n° 20-21924, société Éts Decayeux. consent à revenir sur sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle, en application de l’application de l’article L. 3121-4 du code du travail, « le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet, qui n’est pas du temps de travail effectif, doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière »Soc., 30 mai 2018, n° 16-20634. pour approuver la cour d’appel de Rennes et juger à présent que « lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail [temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles], ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code ».