Réseaux sociaux : Les « amis » Facebook ne sont pas vraiment des amis

Page Facebook de l'ancien bâtonnier Pierre-Olivier Sur, 8 janv. 2017.
Page Facebook de l'ancien bâtonnier Pierre-Olivier Sur, 8 janv. 2017.

Vous, vous le saviez depuis toujours que les dizaines voire les centaines d’inconnus — dont certains n’existent d’ailleurs que virtuellement — qui vous ont sollicité pour devenir votre « ami » sur Facebook ne sont pas vraiment vos amis. Un avocat parisien, Yann Streiff, a feint de l’ignorer. La cour de cassation, après la cour d’appel de Paris, le lui a rappelé. Le terme d’ « ami » employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux « ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme ».

Faisant l’objet d’une procédure disciplinaire et d’un contrôle de la comptabilité de sa structure professionnelle actés lors d’un conseil de l’ordre qui s’est tenu le 7 juillet 2015, Me Streiff, 55 ans, avocat inscrit au barreau de Paris depuis 1988, a soumis, le 9 décembre 2015, une requête en récusation à l’encontre de ses neuf confrères composant la formation disciplinaire de jugement n° 4 sur le fondement du 8° de l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire qui vise l’ « amitié ou inimitié notoire entre le juge et l’une des parties ».

Dans sa requête en récusation, l’avocat fait état de l’amitié qui le lie à l’ancien vice-bâtonnier Jean-Yves Le Borgne qui a vraisemblablement été son défenseur dans un dossier et d’une inimitié de la part de tous les autres et notamment de l'ancien bâtonnier Jean Castelain qui, en sa qualité d’autorité de poursuite, aurait fait preuve « d’une animosité notoire à son égard alors qu’il a assuré la défense de maître [Caroline] Mécary dans une procédure disciplinaire diligentée à son encontre pour des propos tenus lors de l’élection du bâtonnier en 2010 et dans laquelle la formation de jugement n° 4 a été désavouée par la cour d’appel », de Dominique Basdevant qui a été « le président de la formation de jugement n° 4 dans l’affaire Mécary a écarté ses arguments » et Annabel Boccara qui a été « codirectrice de la campagne électorale de [Pierre-Olivier] Sur et est subordonnée à l’autorité de poursuites puisqu’elle perçoit des émoluments du conseil de l’ordre en sa qualité de secrétaire du conseil ». À tous ses confrères susceptibles d’avoir à le juger et à son ancienne cliente à l’origine des poursuites, Nicole Boccador-Hirigoyen, Yann Streiff reprochait également d’être « amis » sur Facebook de l’autorité de poursuite, le bâtonnier Pierre-Olivier Sur.

Dans son arrêt rendu huit jours plus tard que LexTimes a pu consulter, la cour d’appelParis, ch. 2-1, 17 déc. 2015, n° 15/23692, Yann Streiff. écarte prestement l’inimitié invoquée par Me Streiff et dont se seraient rendus coupables ses confères et quant à la qualité d’ « ami » sur les réseaux sociaux, la cour prend le soin de lui expliquer on ne peut plus clairement que le terme d’ami employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux « ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme et l’existence de contacts entre ces différentes personnes sur le web ne suffit pas à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession. Aussi, le seul fait que les personnes objet de la requête soient des "amis" du bâtonnier, autorité de poursuite, ne constitue pas une circonstance justifiant d’entreprendre des vérifications ».

La requête est donc rejetée mais, non satisfait, elle échoit à la deuxième chambre civile de la cour de cassationCiv. 2e, 5 janv. 2017, n° 16-12394, Yann Streiff c/ parquet général de Paris. qui rejette le pourvoi après avoir constaté que le moyen soulevé n’est pas fondé, la cour d’appel ayant, souligne la juridiction suprême, « dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la pertinence des causes de récusation alléguées », retenu exactement la qualification qu’il convenait de donner au terme « ami » employé sur le réseau social Facebook. L'avocat parisien Philip Cohen, à titre d'exemple, compte pas moins de... 1 469 « amis » sur le réseau de Mark Zuckerberg.