Citation directe : Le Conseil constitutionnel signe la fin des myriamètres

Conseil constitutionnel

Compte tenu « des moyens actuels de transport », le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution le délai de distance supplémentaire de « un jour par myriamètres » figurant à l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le premier alinéa de l'article 54 de la loi de 1881 dispose en effet que « le délai entre la citation et la comparution sera de vingt jours outre un jour par cinq myriamètres de distance », un myriamètre étant une ancienne unité de mesure adoptée sous la Révolution correspondant à dix kilomètres, et il était soutenu que ces dispositions étaient contraires au droit à un recours juridictionnel effectif de la victime d'une infraction de presse dès lors que, en raison du délai de distance d'un jour par cinq myriamètres qui doit être respecté entre la citation et la comparution, elles peuvent conduire, en fonction du lieu de résidence de la personne citée à comparaître, à retarder excessivement la date de comparution.

Selon les articles 48 et 53 de la loi de 1881, la poursuite des délits et contraventions commis par voie de presse peut être exercée par la partie lésée, relève le ConseilCons. const., 24 mai 2019, n° 2019-786 QPC, Association Sea Shepherd., au moyen d'une citation directe auquel cas l'article 54 précité impose que le délai entre la délivrance de la citation et la comparution devant la juridiction de jugement doit être de vingt jours, augmenté d'un délai d'un jour par cinq myriamètres de distance, soit un jour par cinquante kilomètres, entre le lieu de résidence de la personne poursuivie et celui du tribunal devant lequel elle est citée à comparaître.

En instaurant un délai de distance, en plus de celui de vingt jours fixé pour la préparation de la défense, le législateur a entendu, admet le Conseil, « garantir à la partie poursuivie un temps nécessaire à son déplacement vers le lieu où elle est citée à comparaître » et la prise en compte, par l'instauration d'un délai spécifique, de la distance séparant le lieu de résidence de la personne poursuivie du lieu où elle est citée à comparaître « n'est, par elle-même, pas contraire au principe d'égalité devant la justice » mais, juge le Conseil, en raison de l'étendue du territoire de la République, les modalités de détermination de ce délai définies par les dispositions contestées sont « susceptibles de conduire à des délais de distance très différents » et « compte tenu des moyens actuels de transport », ces différences dépassent « manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte les contraintes de déplacement, et ce quelle que soit la distance séparant le lieu de résidence du prévenu de celui de sa comparution ».

Les dispositions contestées procèdent donc, selon le Conseil, à « une distinction injustifiée entre les justiciables » et sont déclarées contraires à la Constitution.

Une abrogation immédiate de ces dispositions aurait toutefois pour effet, relève le Conseil, de supprimer tout délai de distance pour les citations directes délivrées et cela entraînerait « des conséquences manifestement excessives ». Le législateur dispose donc d’un délai expirant le 31 mars 2020 pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée et pour faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la décision, il est jugé les citations délivrées dorénavant en application de la loi du 29 juillet 1881 sont soumises aux délais de distance déterminés aux deux derniers alinéas de l'article 552 du code de procédure pénale selon lequel le délai est « augmenté d'un mois si la partie citée devant le tribunal d'un département d'outre-mer réside dans un autre département d'outre-mer, dans un territoire d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte ou en France métropolitaine, ou si, cité devant un tribunal d'un département de la France métropolitaine, elle réside dans un département ou territoire d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte./ Si la partie citée réside à l'étranger, ce délai est augmenté d'un mois si elle demeure dans un État membre de l'Union européenne et de deux mois dans les autres cas ».

Il est précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut être invoquée dans les instances engagées par une citation délivrée avant le 26 mai 2019.