Contrôles au faciès : Une faute lourde qui engage la responsabilité de l’État

Cour de cassation

Il y a discrimination dès lors que le contrôle d’identité est réalisé sur la seule base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, a confirmé la Cour de cassation à l’occasion des pourvois formés à l’encontre des 13 arrêts rendus en mars 2015 par la cour d’appel de Paris.

Treize personnes estimaient en effet avoir fait l’objet d’un contrôle d’identité fondé uniquement sur leur apparence physique, c’est-à-dire leur origine africaine ou nord-africaine réelle ou supposée du fait de la couleur de leur peau, de leurs traits voire de leur tenue vestimentaire, et, avec le soutien du Défenseur des droits, avaient assigné l’État en réparation de leur préjudice.

Parmi les 13 affaires jugées, le 24 mars 2015, par la cour d’appel de Paris, l’État avait été condamné dans cinq cas à verser des dommages et intérêts à la personne injustement contrôlée et dans les huit autres, la responsabilité de l’État n’avait pas été retenue. Des pourvois ont été formés contre toutes les décisions, que ce soit par l’Agent judiciaire de l’État ou par les personnes contrôlées et c’est ainsi que tous les 13 dossiers ont été réexaminés par la première chambre civile de la Cour de cassation.

Un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire, juge la juridiction suprêmeCiv. 1re, 9 nov. 2016, n° 15-207 et 12 autres, D. et 12 autres c/ Agent judiciaire de l’État, en présence du Défenseur des droits. qui dit pour droit qu’il s’agit d’une faute lourde qui engage la responsabilité de l’État en application de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire.

La Cour prend le soin de préciser la manière dont la preuve de la discrimination, en trois temps, doit être rapportée. Il faut, d’abord, que la personne qui a fait l’objet d’un contrôle d’identité saisisse le tribunal et lui apporte « des éléments qui laissent présumer l’existence d’une discrimination ». Il revient, ensuite, à l’administration de démontrer, soit l’absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs. Et, enfin, c’est au juge qu’il reviendra d’apprécier en exerçant son contrôle sur ce qui est allégué et sur ce qui est justifié en défense.

En l’espèce, la Cour de cassation délivre un satisfecit à la cour d’appel de Paris qui a appliqué correctement cette méthode en condamnant l’État lorsqu’il n’a pas démontré que la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs ou en ne le condamnant pas lorsque la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs comme, par exemple, le fait que la personne contrôlée correspondait au signalement d’un suspect recherché.

Mais l’État n’a pas été condamné lorsque la personne contrôlée n’a pas apporté d’éléments de fait traduisant une différence de traitement et laissant présumer l’existence d’une discrimination. L’invocation de statistiques attestant de la fréquence de contrôles effectués sur une même catégorie de population appartenant aux « minorités visibles » n’a pas été jugé, à elle seule, comme constituant une preuve suffisante.

Approuvant la qualité des décisions rendues par la cour de Paris, onze pourvois ont été rejetés. Pour ce qui est des deux affaires ayant fait l’objet d’une cassation, l’une concerne le non-respect d’une règle de procédure civile indépendante de la question du contrôle d’identité et dans l’autre, il est reproché à la cour de Paris de ne pas avoir recherché si la différence de traitement n’était pas justifiée par des éléments objectifs apportés par l’administration.