Syrie : Compétence universelle de la justice pénale française

La justice française comptétente pour juger des faits commis à l'étranger
La justice française comptétente pour juger des faits commis à l'étranger.

Dans deux dossiers distincts, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a estimé vendredi les conditions requises réunies pour que la justice française puisse mettre en examen des ressortissants syriens mis en cause pour des actes de torture, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre commis en Syrie à l’encontre de syriens.

En principe, la justice française est compétente pur juger les crimes commis en France et, sous certaines conditions, les crimes commis à étranger lorsque, notamment, leur est français ou que la victime est française. Ce n’est que dans certaines hypothèses spécifiques que la justice pénale française est néanmoins également compétente pour juger de crimes commis à l’étranger par une personne étrangère sur une victime étrangère, on parle alors de compétente dite « universelle » codifiée aux articles 689-2 et 689-11 du code de procédure pénale qui disposent pour le premier que :

En application de la convention de New York de 1984 contre la torture, toute personne coupable de tortures peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises

et le pour second :

Si elle réside habituellement sur le territoire la République, toute personne peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises lorsqu’elle est soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes : (i) le crime de génocide défini dans le code pénal, (ii) les autres crimes contre l’humanité définis dans le code pénal, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome de 1998 ou (iii) les crimes et délits de guerre définis dans le code pénal, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome de 1998.

Dans le premier dossierAss. pl., 12 mai 2023, n° 22-80057., il s’agit d’un ressortissant syrien, mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité pour des faits commis en Syrie entre 2011 et 2013 à l’encontre d’opposants au régime syrien, qui contestait la compétence de la justice française au motif que « les crimes contre l’humanité ne sont pas incriminés en Syrie, État dans lequel ils auraient été commis ».

Dans le second dossierAss. pl., 12 mai 2023, n° 22-82468., il s’agit également d’un ressortissant syrien, interpellé en France où il était arrivé moins de trois mois auparavant en qualité d’étudiant, mis en examen pour des actes de torture et crimes de guerre, qui contestait la compétence de la justice française aux motifs qu’il ne résidait pas habituellement en France, que les crimes de guerre ne sont pas incriminés en Syrie et qu’il ne pouvait être poursuivi en France pour des actes de torture car il n’était pas un agent de l’État syrien.

L’assemblée plénière de la Haute juridiction avait donc à répondre à trois questions. La première tenant à la notion de résidence habituelle, la seconde concernant la double incrimination, c’est-à-dire que les faits poursuivis sont punissables en France et dans l’État où ils ont été commis, et la troisième à propos de la fonction de l’auteur de tortures au sein de l’appareil étatique étranger.

Pour ce qui est de la résidence habituelle d’un ressortissant étranger en France, il faut qu’il y ait un lien de rattachement suffisant qu’il appartient au juge du fond d’apprécier sur la base d’un faisceau d’indices tels que, par exemple, la durée de présence sur le territoire, les motifs de cette installation, les conditions dans lesquelles elle a eu lieu, la volonté d’y résider durablement, l’existence de liens familiaux, sociaux, matériels ou professionnels.

Quant à la double incrimination, il n’est pas nécessaire, estime la Haute assemblée, que les faits relevant en France des infractions de crime contre l’humanité ou de crime de guerre soient qualifiés de manière identique par la législation du pays étranger. Il suffit que que la législation étrangère « punisse ces actes comme infraction de droit commun tels le meurtre, le viol ou la torture ».

L’auteur des actes de torture doit bien évidemment être un agent de la fonction publique ou une personne agissant à titre officiel, répond la juridiction suprême mais bémol, la notion de « personne ayant agi à titre officiel » vise aussi une « personne agissant pour le compte ou au nom d’une entité non gouvernementale » lorsque cette dernière « occupe un territoire et y exerce une autorité quasi gouvernementale ».

Et à l’aune de ces trois réponses, dans les deux dossiers, la Cour de cassation considère comme réunies les conditions requises pour que la justice française puisse mettre en examen les ressortissants syriens mis en cause pur des actes commis en Syrie à l’égard de membres de la population syrienne.