Administrations : Le droit souple au menu du Conseil d'État

Le Conseil d’État a accepté de se pencher sur des actes dits de « droit souple » qui n’ont aucun effet juridique, il s'agit pour cette première dans les annales de la Haute juridiction d'un communiqués de presse de l’Autorité des marchés financiers (AMF) appelant « les investisseurs à la vigilance» et d’une prise de position de l’Autorité de la concurrence estimant devenue sans objet une des conditions qu’elle avait mise en 2012 au rachat de TPS et CanalSatellite par Vivendi et le Groupe Canal Plus.
La première affaire visait trois communiqués de presse de l’AMF publiés sur son site les 21 juillet 2011, 17 juillet 2012 et 5 novembre 2012, entre-temps supprimés, dans lesquels le gendarme de la bourse invitait les investisseurs à la plus grande vigilance s’agissant de placements immobiliers proposés par la société allemande Fairvesta Internationalestimés être commercialisés de façon« très active par des personnes tenant des discours parfois déséquilibrés au regard des risques encourus ». Fairvesta avait alors décidé de soumettre ces communiqués à la censure du Conseil d’État.
La seconde était relative à l’exécution de la décision par laquelle l’Autorité de la concurrence avait, le 23 juillet 2012, autorisé le rachat de TPS et CanalSatellite par Vivendi et le Groupe Canal Plus sous certaines conditions. L’une de ces conditions, dite « injonction 5 (a) », posait des difficultés d’application à la suite de l’évolution du cadre concurrentiel sur le marché des services de télévision, du fait du rachat de SFR par Numericable. Le Groupe Canal Plus avait alors interrogé l’Autorité de la concurrence sur la portée qu’il convenait de donner à cette « injonction 5 (a) » et celle-ci a répondu qu’elle estimait qu’une des obligations en résultant était devenue sans objet. C’est cette prise de position de l’Autorité de la concurrence, qui ne modifiait pas par elle-même l’injonction 5(a) présente dans la décision de 2012, que la société Numericable a attaquée.
Dans ces deux affaires, le Conseil d’État était saisi d’actes dit de « droit souple », ni les communiqués de presse de l’AMF ni la prise de position de l’Autorité de la concurrence sur l’injonction 5 (a) ne créaient de droit ou d’obligation juridique pour quiconque. Il s’agissait d’actes de communication et de prises de position qui, par leur publicité et la qualité de leur auteur, sont toutefois susceptibles d'influencer fortement les acteurs du marché, bien qu’ils ne soient nullement tenus de suivre la position de ces autorités publiques d’un point de vue strictement juridique. C'est la raison pour laquelle de tels actes n’étaient jusqu’à présent pas susceptibles de recours juridictionnels dès lors qu’ils n’ont aucun effet juridique.
Ces deux affaires jugées par les Sages du Palais-Royal montrent l’importance du droit souple dans les nouveaux modes d’action des personnes publiques que, sans véritablement créer d’obligation juridique ni accorder de nouveaux droits aux usagers, l’administration peut utiliser des instruments de communication « pour influencer ou dissuader les acteurs » et peut émettre des prises de position ou des recommandations qui n’ont pas de valeur obligatoire« mais vont, dans les faits, être écoutées et suivies d’effet ».
Après avoir rappelé que de tels actes sont susceptibles de recours en annulation dans le cas où ils pourraient ensuite « justifier des sanctions de la part des autorités », le Conseil d'État innove en retenant qu'un recours est également possible lorsque l’acte contesté est de nature « à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou lorsqu’il a pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s’adresse ». C'est ainsi qu'il est admis que les deux actes contestés peuvent faire l’objet d’un recours en annulation.
S’agissant des communiqués de presse
Quant à la prise de position
En amont de la décision Fairvesta, le Tribunal des conflits