Aristophil : Les 313 brouillons du général de Gaulle sont des archives publiques

Projet de télégramme

Le Conseil d’État a confirmé la décision du tribunal administratif de Paris jugeant que « 313 brouillons manuscrits de télégramme écrits par le général de Gaulle entre décembre 1940 et décembre 1942 » constituent des archives publiques que la société Aristophil et l’association du musée des lettres et manuscrits doivent remettre à l’État.

En l’espèce, c’est au mois d’avril 2012 que l’État a engagé une action en revendication d’archives publiques devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de se voir remettre 313 brouillons manuscrits de télégrammes écrits par le général de Gaulle entre le 11 décembre 1940 et le 11 décembre 1942 détenus par la société Aristophil et le musée des lettres et manuscrits.

Par un jugement du 20 novembre 2013, le juge judiciaire a fait droit à cette demande de revendication de l’Etat mais sur l’appel formé par la société Aristophil et le musée des lettres et manuscrits, la cour d’appelParis, 11 mai 2015, société Aristophil et association du musée des lettres et manuscrits c/ ministre de la culture. a estimé que la détermination du caractère public de ces archives soulevait une difficulté sérieuse et soulevé une question préjudicielle qu’elle a transmise au tribunal administratif qui a déclaréTA Paris, 12 mai 2017, société Aristophil et association du musée des lettres et manuscrits c/ ministre de la culture. que les documents en litige sont des archives publiques et c’est cette décision qui a été déférée à la haute juridiction administrative.

Le Conseil d’ÉtatCE, 13 avr. 2018, n° 410939, association du musée des lettres et manuscrits et a. c/ ministre de la culture. rappelle que tout document procédant de l’activité de l’État constitue, par nature, une archive publique, selon la définition reprise par l’article 3 de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives aujourd’hui codifié à l’article L. 211-4 du code du patrimoine aux termes duquel « les archives publiques sont : /1° Les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat [...] ».

Revêtent le caractère d’archives publiques tous les documents procédant de l’activité de l’État quelle que soit la date à laquelle ils ont été produits, quel que soit leur état d’achèvement et quelle que soit l’intention de leur auteur et pour le Conseil d’État, c’est donc sans entacher son jugement d’erreur de droit, ni d’inexacte qualification juridique que le tribunal administratif de Paris a jugé qu’étaient « sans incidence sur la qualification d’archives publiques des documents en litige le fait qu’il s’agisse de brouillons de télégrammes et que leur auteur les aurait regardés comme des documents privés ».

Aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, « la forme du Gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister », l’article 2 dispose que « sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française. / Cette nullité doit être expressément constatée » et, enfin, selon l’article 7, « les actes de l'autorité de fait, se disant "gouvernement de l'Etat français" dont la nullité n'est pas expressément constatée dans la présente ordonnance ou dans les tableaux annexés, continueront à recevoir provisoirement application [...] ».

La France libre et la France combattante et, par la suite, le Comité français de la libération nationale et le gouvernement provisoire de la République française, ont été, selon ces dispositions, considère la haute juridiction administrative, à compter du 16 juin 1940, « dépositaires de la souveraineté nationale et ont assuré la continuité de la République », ce qui implique que les documents qui émanent de ces institutions et de leurs dirigeants et représentants « procèdent de l’activité de l’Etat et constituent, dès lors, des archives publiques ».

Il est sans incidence, ajoute le Conseil d’État, que les faits et agissements de l’autorité de fait se disant "gouvernement de l’Etat français" et de l’administration française qui en dépendait engagent la responsabilité de la puissance publique, le débiteur de cette responsabilité ne pouvant être que l’Etat. De même pour la circonstance que doivent être regardées comme des archives publiques les documents procédant de l’activité politique et administrative de cette autorité de fait.