Conseil d'État : Les maires ne peuvent pas interdire les antennes-relais sur leurs communes

Antennes-relais. Photo DR.

C'est désormais officiel, les maires n'ont pas le droit de s'opposer à l'implantation d'antennes-relais sur leurs communes. Au cas par cas, oui, si un risque de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique est allégué et établi. Mais en général, non. Le doute était peut-être permis jusqu'à cette semaine, il ne l'est plus depuis mercredi et la publication de trois arrêts du Conseil d'ÉtatCE, 26 oct. 2011, n° 326492, 329904 et 341767, Commune de Saint-Denis, Commune de Pennes-Mirabeau, Société Française de Radiotéléphonie., qui sont déjà sources de vives réactions... voire de polémique.

Les faits

Trois villes sont en cause. 

Le maire de Saint-Denis a pris le 14 septembre 2006 un arrêté interdisant l’installation des antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des établissements recevant un public mineur en général (crèches, écoles...), et des résidences de personnes âgées. La décision a été annulée par la cour administrative d’appel de Versailles.

Le maire de Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône) a pris le 4 septembre 2001 un arrêté pour interdire les antennes de radiotéléphonie mobile à moins de 300 mètres d’une habitation ou d’un établissement recevant du public. La décision a été annulée par la cour administrative d’appel de Marseille.

Le maire de Bordeaux a pris le 12 février 2010 un arrêté afin de soumettre tout projet d’implantation d’antenne de téléphonie mobile à une procédure préalable, et d’interdire toute implantation d’antenne à moins de 100 mètres des lieux recevant régulièrement des enfants de moins de 12 ans. SFR a attaqué cette décision en justice. 

Les trois maires ont demandé au Conseil d'État de reconnaître qu'ils pouvaient adopter de telles règlementations en vertu de leurs pouvoirs de police. Ils ont tous les trois perdu.

La décision

Le Conseil d'État rappelle notamment l'existence de deux entités, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et l’Agence nationale des fréquences (ANFR) qui ont pour objet "notamment de coordonner l’implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature, en autorisant ces implantations, et de veiller au respect des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques".

Il cite l'article L. 32 1 du code des postes et des communications électroniques selon lequel "le ministre chargé des communications électroniques et l'ARCEP veillent [...] au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l'ordre public".

Il en déduit que le pouvoir de police spéciale des communications électroniques et des télécommunications est confié à l’État et non aux collectivités locales. Et que même le principe de précaution et le pouvoir de police générale des maires ne peuvent les autoriser à prendre de telles décisions, qui ne sont pas de leur compétence.

Les réactions

Il y a au moins un heureux: Eric Besson.

Dans un communiqué, le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique se félicite des "clarifications apportées" et "salue ces décisions qui confirment le caractère national de la réglementation de l’implantation d’antennes relais", relevant qu'elles vont "permettre de poursuivre le déploiement des réseaux mobiles, notamment de 3ème et de 4ème génération"

L'association nationale "Robin des toits" pour la sécurité sanitaire dans les technologies sans fil ne partage évidemment pas cette analyse. Sur son site internet, elle relève notamment que "l’ANFR n’a pas la compétence sur les risques sanitaires, car sa compétence est purement technique : attribution des fréquences, vérification qu’elles n’interfèrent pas entre elles, etc...". Elle explique également que les maires ont une légitimité que cette agence n'a pas, puisqu'ils sont élus par le peuple. 

Mais elle va plus loin, en questionnant l'indépendance du rapporteur public... et en citant à l'appui un article du Canard Enchaîné.

La polémique

Effectivement, dans son édition du 12 octobre, le célèbre hebdomadaire satirique évoque un possible conflit d'intérêt. Il relève que le rapporteur public Xavier de Lesquen, qui avait demandé au Conseil d'État de juger l'incompétence des maires en la matière, n'était peut-être pas complètement neutre dans cette affaire... Ancien marin, il aurait en effet participé en 2000 à la Coupe de l'America avec un bateau de 60 millions de francs, dont une grande partie (deux tiers selon l'article) auraient été payés par Bouygues Telecom. "Cela créé des liens", relève poliment le Canard

Le Conseil d'État estime pour sa part que les faits sont trop anciens pour que l'on puisse mettre en doute sérieusement l'honnêteté du rapporteur.