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Coronavirus : Les pouvoirs de police du maire limités

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Un maire ne peut imposer le port du masque Un maire ne peut imposer le port du masque

Contesté par la Ligue des droits de l'homme (LDH), le juge des référés du Conseil d'État confirme qu’un maire ne peut imposer le port du masque dans sa commune « en l'absence de circonstances locales particulières », d’autant que cela nuit également « à la cohérence des mesures nationales et des messages de prévention ».

En l’espèce, Philippe Laurent, le maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), a voulu imposer par un arrêté pris le 6 avril 2020, « le port d'une protection couvrant la bouche et le nez pour les personnes de plus de dix ans se déplaçant dans l'espace public de la commune ». Saisi par la LDH, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de cet arrêté et le maire de Sceaux a saisi le Conseil d'État d'une requête en annulation.

Le juge des référés du Conseil d’État1 relève que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a confié au premier ministre et, accessoirement, au ministre chargé de la sante la responsabilité d'édicter les mesures générales ou individuelles de lutte contre le covid-19, en vue, notamment, « d'assurer leur cohérence et leur efficacité sur l'ensemble du territoire et de les adapter en fonction de l'évolution de la situation ».

Les maires, quant à eux, peuvent contribuer à la bonne application des mesures décidées par le gouvernement sur le territoire de leur commune en interdisant, par exemple, l'accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements mais ils ne peuvent, en revanche, proprio motu prendre d'autres mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire qu’en présence de « raisons impérieuses liées à des circonstances locales les rendant indispensables » et sous réserve de ne pas compromettre « la cohérence et l'efficacité de celles prises par les autorités de l'État ».

Pour justifier la mesure prise, le maire de Sceaux faisait valoir que la population de sa commune, avec 25 % de personnes de plus de 60 ans contre 19 % dans le reste de l’Île-de-France, est plus âgée que la moyenne francilienne, que les espaces verts — qui représentent un tiers de la superficie de la commune — ont été fermés et que les commerces alimentaires qui demeurent ouverts sont concentrés dans une rue piétonne du centre-ville dont la largeur n’excède pas quatre mètres en certains endroits, ce qui rend difficile le respect des gestes de distanciation sociale.

Ni sa démographie ni la concentration de ses commerces de première nécessité dans un espace réduit ne peuvent être regardées, estime le juge de l’urgence, comme caractérisant des « raisons impérieuses liées à des circonstances locales propres […] qui exigeraient que soit prononcée sur territoire […] une interdiction de se déplacer sans port d’un masque de protection » à un moment où l’État « patauge », pourrait-on dire, et qu’il est amené, est-il relevé, à « fixer des règles nationales précises sur les conditions d’utilisation des masques chirurgicaux et FFP2 et à ne pas imposer, de manière générale, le port d’autres types de masques de protection, est susceptible de nuire à la cohérence de mesures prises […] par les autorités sanitaires compétentes », outre le fait qu'en laissant entendre qu'une protection « couvrant la bouche et le nez peut constituer une protection efficace, quel que soit le procédé utilisé, l'arrêté du maire de Sceaux est de nature à induire en erreur les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population ».

 

  • 1CE, ord., 17 avr. 2020, n° 440057, commune de Sceaux.

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