Covid-19 : Validation de la fermeture des lieux culturels

Des salles de spectacle vides
Des salles de spectacle vides

Tout en abondant dans le sens des nombreux plaignants du monde de la culture lato sensu, le juge des référés du Conseil d’État, avec un pincement au cœur, a rejeté mercredi neuf requêtes sollicitant la réouverture immédiate des théâtres, cinémas et autres salles de spectacles au motif que leur fermeture ne porte pas en définitive « une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales » invoquées compte tenu du contexte sanitaire marqué par « un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus ». Pour les mêmes motifs, une autre ordonnance rendue jeudi décrète que salles d’exposition et musées ne rouvriront pas avant une inflexion de la pandémie.

Des directeurs, producteurs et scénaristes de divers lieux culturels, des artistes de tout poil et autres saltimbanques par dizaines faisaient valoir à cor et à cri que le maintien de la fermeture de leurs activités entraîne des conséquences « irrémédiables » sur l’équilibre économique et financier de leur structure et qu’il était urgent de les autoriser à rouvrir pour pouvoir bénéficier de la manne que constitue la période de fin d’année même s’il fallait passer par un durcissement des mesures sanitaires.

Si le juge des référés de la haute juridiction administrativeCE, ord., 23 déc. 2020, n° 447698, C. et a. ; n° 447783, ass. Le Montfort ; n° 447784, ass. Le Théâtre 13 ; n° 447785, ass. l’Étoile du Nord ; n° 447786, ass. Les Plateaux Sauvages ; n° 447787, ass. Le Théâtre Paris-Villette ; n° 447791, Fédération nationale des cinémas français et a. ; n° 447799, Syndicat des cirques et compagnies de création ; n° 447839, Société des auteurs et compositeurs dramatiques et a. admet et comprend fort bien que la fermeture des cinémas, théâtres et salles de spectacle porte « une atteinte grave » à pas moins de cinq libertés fondamentales que sont la liberté d’expression et la libre communication des idées, la liberté de création artistique, la liberté d’accès aux œuvres culturelles, la liberté d’entreprendre et la liberté du commerce et de l’industrie, outre le droit au libre exercice d’une profession, et qu’en outre, poursuit le Conseil d’État, les exploitants de ces salles ont conçu et mis en œuvre des protocoles sanitaires « particulièrement stricts » permettant de diminuer « le risque lié à l’existence de rassemblements dans un espace clos » et, de son côté, l’administration ne produit pas « d’éléments relatifs à des cas de contamination qui seraient survenus lors de spectacles à l’occasion desquels de tels protocoles sanitaires auraient été mis en place ».

Le risque de transmission du virus dans ces établissements, comme on peut le lire dans une note du 26 octobre 2020 du comité scientifique Covid-19, est, lorsque les protocoles mis en place sont effectivement appliqués, « plus faible que pour d’autres événements rassemblant du public en lieu clos » et le maintien d’une interdiction générale et absolue d’ouverture au public des salles de spectacles constituerait une « illégalité manifeste » si elle était justifiée par la seule persistance d’un « risque de contamination de spectateurs par le virus ». Le maintien d’une telle interdiction ne peut être regardé, juge le Conseil d’État, comme une mesure «  nécessaire, adaptée et […] proportionnée à l’objectif de préservation de la santé publique qu’elle poursuite qu’en présence d’un contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des patients atteints d’autres affections ».

Et c’est justement le cas et d’égrener pour rejeter les requêtes qu’à la date du 22 décembre 2020, on dénombre dans le pays 2 490 946 cas positifs (en hausse de 11 795 au cours des dernières 24 heures), 61 702 décès dont 386 enregistrés la veille, un taux de positivité des tests qui se situe à 4,4 %, un taux de reproduction du virus de 1,03 et un taux d’occupation des lits en réanimation de 54,1 %, autant de chiffres alarmants qui mettent sous tension l’ensemble du système de santé et vont dans le sens, souligne le juge de l’urgence, d’une dégradation de la situation sanitaire au cours de la période récente à partir d’un plateau épidémique très élevé qui pourrait continuer à se détériorer au début du mois de janvier avec le nouveau variant apparu au Royaume-Uni.