Droit à l'oubli : Un droit au déréférencement strictement encadré

Par 13 arrêts distincts rendus vendredi, à la suite d’un arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne sur une question préjudicielle, le Conseil d'État fixe les conditions pour que soit respecté le droit au déréférencement sur internet prévu par le RGPD (Règlement général sur la protection des données). Il s’agit en quelque sorte d’un mode d'emploi du droit de l'oubli à destination de Google et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Les grands principes qui se dégagent de ces arrêts
Trois catégories de données personnelles sont concernées, ce sont les données dites « sensibles » qui concernent la santé, la vie sexuelle, les opinions politiques, les convictions religieuses,..., les données « pénales » relatives à une procédure judiciaire ou à une condamnation pénale et les données touchant à la vie privée sans être sensibles. La protection dont bénéficient les deux premières catégories est la plus élevée, il ne peut être légalement refusé de faire droit à une demande de déréférencement que « si l'accès aux données sensibles ou pénales à partir d'une recherche portant sur le nom du demandeur est strictement nécessaire à l'information du public ». Pour la troisième catégorie en revanche, il suffit qu'il existe « un intérêt prépondérant » du public à accéder à l'information en cause.
Les différents paramètres à prendre en compte, au-delà des caractéristiques des données personnelles en cause, sont, précise la haute juridiction administrative, d’une part, le rôle social du demandeur tenant à sa notoriété, son rôle dans la vie publique et sa fonction dans la société et, d’autre part, les conditions dans lesquelles les données ont été rendues publiques, par exemple, par l'intéressé lui-même et si elles sont par ailleurs encore accessibles.
Dans son arrêt précité
L’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel étant susceptible d’être « particulièrement grave » en raison de la sensibilité de ces données, il appartient à la CNIL, selon le Conseil d’État à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour de justice européenne, de faire « droit à une demande de déréférencement » de liens renvoyant vers des pages web publiées par des tiers et contenant des données personnelles relevant de catégories particulières le concernant. Il en va autrement que si, compte tenu du droit à l’information, l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne est « strictement nécessaire à l’information du public ». Et, poursuit le Conseil d’État, la CNIL doit tenir compte, d’une part, « de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée » et, d’autre, « de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société » et envisageant, le cas échéant, la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée.
Sur les treize recours concernant dix-huit liens apparaissant sur le moteur de recherche Google, la CNIL avait rejeté leur demande de déréférencement, le Conseil d’État a constaté huit non-lieu à statuer, c’est-à-dire qu’entre-temps le moteur de recherche avait supprimé le lien, rejeté cinq demandes et prononcé cinq annulations de la décision de la CNIL refusant d’enjoindre à Google de procéder au déréférencement sollicité.