État d'urgence : Le Conseil d'État suspend une assignation à résidence

Le juge des référés du Conseil d'État a suspendu une assignation à résidence qui portait « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir », selon une ordonnance rendue hier.
Sur le fondement de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur avait en effet assigné une personne à résidence sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) et l’intéressé avait contesté cette mesure par la voie du référé-liberté, une procédure d’urgence qui permet au juge administratif d’ordonner, dans un délai de 48 heures, en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge des référés du tribunal administratif de Melun
Dans son ordonnance
Mais pour le juge des référés du Conseil d’État, l’intéressé a pu justifier sa présence et son comportement aux abords du domicile de la personnalité en question. Il rendait visite à sa mère, qui habite à proximité immédiate et ne prenait pas de photos mais utilisait son téléphone portable en mode « haut-parleur » face à son visage pour passer un appel téléphonique sans retirer son casque.
Aucun élément suffisamment circonstancié, est-il souligné, produit par le ministre de l’intérieur ne permet de justifier qu’il appartiendrait à la mouvance islamiste radicale et, enfin, pour ce qui est de l’affaire de trafic de véhicules, l’intéressé a, en réalité, été entendu comme simple témoin, lui-même se disant victime, ce que le ministre n’a pas contesté et, en outre, aucun élément produit par les services du ministre n’a permis d’accréditer, en ce qui concerne ce trafic, l’existence d’un contexte d’islamisme radical.
Contrairement au juge des référés du tribunal administratif, le juge des référés du Conseil d’État a estimé que l’assignation à résidence contestée porte « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir » et a donc décidé de la suspendre.
Après les attentats commis à Paris le 13 novembre dernier, l’état d’urgence prévu par la loi du 3 avril 1955 a été déclaré par décret en conseil des ministres et a été prorogé, pour une durée de 3 mois à compter du 26 novembre, par la loi du 20 novembre 2015, qui a également modifié certains articles de la loi du 3 avril 1955. Le gouvernement envisageant de le proroger à nouveau, cette situation inquiète magistrats et avocats qui s'inquiètent d'un « état d'urgence permanent » et dénoncent en cœur ses conséquences pour « les libertés et les droits de la défense ».
Le Conseil national des barreaux (CNB) s'alarme ainsi, dans un communiqué diffusé ce matin, des prérogatives qu'octroie le projet de loi actuellement en discussion à l'autorité administrative en matière de perquisitions de véhicule et de rétention administrative hors la présence de l'avocat, avec un glissement de la procédure et un basculement des pouvoirs du juge du siège vers le parquet. Faut-il laisser le champ libre au ministère de l'intérieur pour combattre le terrorisme et mettre sous silence magistrats du siège et avocats, cette ordonnance vient opportunément dire non et fixer des limites.