Fonction publique : Les retenues s’appliquent aussi aux jours chômés si absence injustifiée

Mairie de Neully-sur-Seine. Photo DR.

Le Conseil d’Etat a récemment jugéCE, 24 juin 2011, n° 336908, Commune de Neuilly-sur-Seine c/Jean-Pierre A. qu’en l’absence de service fait, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d’un agent public s’élève à autant de trentièmes qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si durant certaines de ces journées cet agent n’avait aucun service à accomplir.

En l’espèce, le litige opposait un fonctionnaire territorial, M. Jean-Pierre A., adjoint technique, à son employeur, la commune de Neuilly-sur-Seine. Absent de son service durant quatre jours sans justification valable — ayant fait état« en termes vagues » d’une grève qui aurait perturbé les transports en commun —, l’agent public a vu son traitement diminué par des retenues correspondant à ces quatre jours d’absence, dont deux trentièmes correspondant à un samedi et un dimanche. S’estimant lésé, le fonctionnaire a demandé au tribunal administratif de Versailles d’annuler l’arrêté par lequel le maire de Neuilly-sur-Seine opère des retenues sur son traitement pour absence de service fait les 27 et 28 octobre 2007, soit un week-end au cours duquel l’agent n’avait aucun service à accomplir.

Le tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande, dans un jugement du 21 décembre 2009. Mécontente, la commune de Neuilly-sur-Seine a formé un pourvoi.

Le traitement est mensuel et forfaitaire

Et le Conseil d’État a remis les pendules à l'heure. Le raisonnement limpide repose sur les dispositions combinées des lois du 26 janvier 1984Loi du 26 janv. 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale., et du 13 juillet 1983Loi du 13 juill. 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.. Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement (et éventuellement d’autres indemnités). Or d’autres dispositionsArt. 4 de la loi de finances rectificative du 29 juill. 1961, complété par la loi du 22 juill. 1977. définissent le service non fait en évoquant deux hypothèses : soit l’agent s’abstient d’effectuer tout ou partie de ses heures de service, soit l’agent, bien qu’effectuant ses heures de service, n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction « telles qu’elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l’autorité compétente dans le cadre des lois et règlements ». Enfin, l’article 1er du décret du 6 juillet 1962Décret du 6 juill. 1962 portant règlement sur la comptabilité publique en ce qui concerne la liquidation des traitements des personnels de l’État. retient que les traitements et assimilés se liquident par mois et sont payables à terme échu.« Chaque mois, quel que soit le nombre de jours dont il se compose, compte pour trente jours. Le douzième de l’allocation annuelle se divise, en conséquence, en trentième ; chaque trentième est indivisible ».

Ainsi, compte tenu du caractère mensuel et forfaitaire du traitement, en l’absence de service fait pendant plusieurs jours consécutifs, « le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d’un agent public s’élève en principe à autant de trentièmes qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si durant certaines journées cet agent n’avait aucun service à accomplir ». En clair, si les absences ont commencé avant un jour non travaillé habituellement (week-end, jour férié, …), et qu’elles se terminent après, les retenues porteront autant sur les jours en principe travaillés que sur les jours chômés. Par conséquent, retient le Conseil, le tribunal administratif de Versailles, en jugeant que les retenues sur salaires ne pouvaient être opérées au titre des jours durant lesquels l’agent n’avait aucun service à accomplir, a entaché son jugement d’une erreur de droit.

Après avoir déclaré la commune de Neuilly-sur-Seine fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles, le Conseil d’État considère qu’il y a lieu de régler l’affaire au fond. Et retient donc qu’ « en raison du caractère forfaitaire et mensuel du traitement des agents publics, l’administration était tenue d’opérer une retenue au titre des 27 et 28 octobre 2007, alors même qu’il s’agissait respectivement d’un samedi et d’un dimanche au cours desquels l’intéressé n’avait aucun service à accomplir ». La Haute juridiction administrative fait donc droit à la demande de la commune de Neuilly-sur-Seine, exception faite du paiement de ses frais de justice.