Harkis : Dédommagement pour les conditions de vie indignes

Conseil d'État.

Les conditions de vie indignes réservées aux familles de harkis dans les camps où elles ont été accueillies en France après l’indépendance de l’Algérie engagent la responsabilité de l’État, a jugé le Conseil d’État qui a accordé 15 000 euros à un fils de harki au titre des « préjudices matériels et moraux subis du fait des conditions dans lesquelles il a vécu entre 1963 et 1975 ».

Né en 1963 au camp « Joffre » de transit et de reclassement des anciens supplétifs de l’armée française en Algérie et de leurs familles, situé à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), avant d’être transféré en 1964 au camp de Bias (Lot-et-Garonne), où il a vécu jusqu’en 1975, un fils de harki que nous prénommerons Kader avait attrait l’État devant la juridiction administrative pour lui réclamer 1 million d’euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l’abandon des anciens supplétifs de l’armée française par la France après la signature des « accords d’Evian » du 19 mars 1962, du refus d’organiser leur rapatriement en France, ainsi que des conditions d’accueil et de vie qui leur ont été réservées ainsi qu’à leurs familles sur le territoire français.

Après le rejet de sa demande par le tribunal administratifTA Cergy-Pontoise, 10 juill. 2014, n° 1109251. et la cour administrative d’appelCAA Versailles, 14 mars 2017, n° 14VE02837., Kader s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’ÉtatCE, 3 oct. 2018, n° 410611, M. L. c/ ministère des armées. considère qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur la demande de l’intéressé tendant à la réparation du préjudice lié à l’absence de rapatriement des anciens supplétifs de l’armée française et de leurs familles car il ne lui appartient pas de « contrôler les actes qui se rattachent à l’action du gouvernement dans la conduite des relations internationales et leurs éventuelles conséquences » mais, en revanche, la responsabilité pour faute de l’État est engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à l’intéressé entre sa naissance en 1963 et son départ du camp de Bias en 1975, en relevant que ces conditions ont entraîné « des séquelles qui ont exigé un accompagnement médico-psycho-social » et ont fait obstacle à son apprentissage du français.

L’État — qui s’est abstenu d’opposer la prescription quadriennale à l’action en justice de l’intéressé — est condamné à verser à Kader une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis, outre 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.