Aujourd’hui âgé de 51 ans, Abdelkader Tamazount, né en avril 1963 dans le camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) où sa famille avait été accueillie lors de son arrivée en France avant d’être installée dans celui de Bias (Lot-et-Garonne), a vainement formulé une demande indemnitaire auprès des services du premier ministre pour obtenir réparation du préjudice consécutif au« traitement […] infligé par les pouvoirs publics sur le territoire français depuis le milieu des années 60 » et aux fautes « commises par les autorités de l’État depuis 1962 lors de l’accueil des familles de rescapés dans les camps en France » après l’indépendance de l’Algérie.
M. Tamazount reproche au gouvernement français d’avoir mené une« véritable politique d’abandon » lors des massacres des HarkisLe terme harki désigne les algériens ayant choisi de combattre aux côtés de l’armée française durant la guerre d’Algérie (1954-1962) dont ils ont constitué des forces supplétives. en Algérie et lors de leur arrivée en France avec leur famille. « Des conditions de vie indignes », explique-t-il dans sa requête, ont été imposées aux Harkis lors de leur arrivée en France tels que, par exemple, entraves à la liberté d’aller et venir, non-respect de la vie privée, violation du secret des correspondances, pas d’accès aux services publics de l’enseignement. Autant de violation de ses droits fondamentaux dont il demande, cinquante ans plus tard, réparation pour faire un trait sur le passé.
Si le tribunalTA Cergy-Pontoise, 4e ch., 10 juill. 2014, n° 1109251, Abdelkader Tamazount et Comité Harkis et Vérité c/ mission interministérielle aux rapatriés près du premier ministre. retient la faute engageant la responsabilité de l’État pour avoir laissé perpétrer massacres et emprisonnements contre les anciens supplétifs dès le cessez-le-feu et pour avoir procédé au rapatriement des harkis « dans l’urgence […] à des conditions d’accueil en France très dégradées, sans rapport avec les besoins et les attentes des familles [… au mépris] de nombreuses restrictions de leurs libertés individuelles », il considère néanmoins que l’ensemble des mesures prises par le gouvernement depuis 1961Loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l’accueil et à la réinstallation des Français d’Outre-mer, loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l’indemnisation des Français dépossédés de biens situés sur un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, mesures spécifiques en faveur des enfants de Harkis et, enfin, last but not least, reconnaissance officielle par l’actuel président de la République à l’occasion d’une déclaration en date du 25 septembre 2012 en ces termes : « Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie ». ont permis « autant qu’il est possible, l’indemnisation des préjudices, tant moral que matériel […] qui sont la conséquence des fautes précédemment retenues à l’encontre de l’État » pour rejeter la requête en indemnisation d’Abdelkader Tamazount.
Mais pouvait-il en être autrement ? Accorder un million d’euros à celui-ci pour que cicatrisent ses plaies, aurait ouvert la voie à indemnisation aux 60 000 autres et à leurs descendants. M. Tamazount, et le Comité Harkis et Vérité qui intervenait volontairement dans cette procédure, ne baisse pas les bras et va soumettre la question à la cour administrative d’appel de Versailles.