Liberté d'expression : Le Conseil d'État ne suspend pas l'expulsion d’Hassan Iquioussen

Hassan Iquioussen
Hassan Iquioussen.

Saisi par le ministère de l'intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin de l’appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris ayant suspendu l'expulsion de l’imam Iquioussen vers le Maroc, le juge des référés du Conseil d'Etat estime, quant à lui, que « ses propos antisémites, tenus depuis plusieurs années lors de nombreuses conférences largement diffusées, ainsi que son discours sur l'infériorité de la femme et sa soumission à l'homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine justifiant la décision d’expulsion », jugeant que cette décision ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à sa vie privée et familiale.

Le 29 juillet dernier, le ministre de l'intérieur avait en effet pris à l'encontre de M. Iquioussen une décision d'expulsion du territoire français, lui retirant son titre de séjour, et fixé le Maroc comme pays de destination. L'exécution de ces décisions a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Paris.

Si à l’instar de celui du tribunal administratif de Paris, le juge de l’urgence du Conseil d’ÉtatCE, ord., 30 août 2022, n° 466554, ministère de l’intérieur et des outre-mer c/ Hassan Iquioussen. critique, en l’état, plusieurs motifs retenus par le ministre pour expulser M. Iquioussen, notamment la remise en cause de la réalité des attentats terroristes et son rejet des lois de la République au profit de la loi islamique, il se démarque pour estimer, en revanche, qu'il résulte des pièces produites que M. Iquioussen a tenu un discours systématique sur l'infériorité de la femme, théorisant sa soumission à l'homme et impliquant que les femmes ne puissent bénéficier des mêmes libertés ou des mêmes droits que les hommes, dans des vidéos toujours disponibles sur internet, dont les dernières ont été réalisées en 2021.

Contrairement au premier juge, le juge d’appel retient par ailleurs que l'instruction établit que M. Iquioussen a développé depuis plusieurs années, à l'occasion de nombreuses conférences et discours relayés par les réseaux sociaux à un public large, un discours antisémite pour lequel  il n'a présenté ses « excuses » en 2004 et condamné l'antisémitisme en 2015 qu'en réaction à l'émotion que ses propos avaient suscitée et sans réfuter de manière explicite ces propos, étant précisé que des propos à caractère antisémite ont été réitérés après ses « excuses » de 2004 et les vidéos relayant ses propos antisémites sont restées en ligne jusqu'à une date récente sans que M. Iquioussen n'ait cherché à en faire cesser la diffusion.

À la lumière de ces comportements, le juge des référés du Conseil d'Etat retient qu’il s’agit d’actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes justifiant une expulsion en application de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La décision d'expulsion n'est « manifestement pas disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale de M. Iquioussen » dans la mesure où ses enfants sont majeurs et son épouse, de nationalité marocaine, ne se trouve pas, est-il précisé, dans l'impossibilité de se déplacer au Maroc et de l'y rejoindre.

Le député François Cormier-Bouligeon (LREM, Cher), proche d'Emmanuel Macron depuis Bercy lorsqu'il en était le chef de cabinet, se félicite, dans un communiqué, de cette décision « très claire qui souligne à la fois la gravité des propos tenus par M. Iquioussen et [sa] dangerosité ». Il ne s'agit toutefois que d'une décision du juge des référés qui ne préjuge pas nécessairement de ce que dira le juge du fond.