Marchés publics : Le Conseil d’État assouplit sa position en matière d’insertion

Le Conseil d’État accepte enfin le critère de l'insertion professionnelle parmi la pluralité de critères qu'une personne publique peut retenir pour l'attribution d'un marché.
La Haute juridiction administrative
En l'espèce le marché portait sur le renouvellement, le renforcement des chaussées, l'entretien des voies vertes et des abords des bâtiments du conseil général de l'Isère. Le tribunal administratif avait considéré que l'insertion professionnelle n'était pas en lien avec l'objet de ce marché. Le Conseil d’État en a décidé autrement au motif, quelque peu laconique, que le marché « est susceptible d'être exécuté au moins en partie par du personnel engagé dans une démarche d'insertion ».
Comment prendre en compte la dimension sociale dans le cadre des marchés publics et permettre à des personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle ?
Le code des marchés publics ouvre, au moins en théorie, deux possibilités : au stade de l'attribution du marché (art. 53) ou au stade de son exécution (art. 14). L'article 53-1 du code des marchés publics permet aux acteurs de la commande publique de prendre en compte les critères sociaux, tel que celui des « performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté » parmi la pluralité de critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur peut se fonder pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse.
La Cour de justice de l’Union européenne
La jurisprudence administrative française se montrait toutefois très réticente à reconnaître une corrélation entre insertion professionnelle et objet du marché, ce qui rendait l'article 53 quasi inopérant. Ainsi, dans un arrêt du Conseil d’État
Paradoxalement, la cour administrative d’appel
Dans ce contexte d'interprétation stricte de l'article 53, les pouvoirs adjudicateurs optaient souvent pour l'intégration de la clause sociale dans le contrat lui-même, comme condition d'exécution du marché, avec un volume d'heures imposé par la personne publique.
Cette nouvelle position du Conseil État, susceptible d'être transposée à un certain nombre de marchés, ouvre de nouvelles perspectives. L'insertion professionnelle pourra sans doute s'intensifier en étant, non pas imposée par le pouvoir adjudicateur, mais proposée par l'entreprise, désireuse de mener une politique sociale et de faire des efforts d'insertion du public en difficulté.
Toutefois, il pourrait être de bon conseil d'insérer dans le contrat une clause de suivi et de pénalités en cas de non-respect par l'entreprise attributaire de la clause d'insertion, ce qui était fréquemment le cas lorsque la clause d'insertion était une condition d'exécution du contrat. À défaut, l'intention initiale d'une entreprise de faire appel à du personnel en insertion risquerait de rester un vœu pieu alors même qu'elle aurait constitué un des éléments à l'origine de l'attribution du marché.