Mur des cons : Ni sanction disciplinaire ni promotion pour Françoise Martres

Conseil d'État

Le Conseil d’État a rejeté quatre requêtes de l’ancienne présidente du Syndicat de la magistrature, Françoise Martres, contestant les décisions du garde des sceaux de « ne pas présenter [sa] candidature à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature en vue de sa nomination à une fonction hors hiérarchie » dans ses propositions de nomination de magistrats des 18 octobre 2016 et 28 février 2017 et les décrets présidentiels des 27 décembre 2016 et 4 juillet 2017 nommant des collègues aux postes par elle convoités.

Conseillère à la cour d’appel d’Agen depuis un décret en date du 27 juin 2005, après avoir été vice-présidente du tribunal de Bordeaux jusqu’à cette date et vice-présidente en charge de l’instruction à Versailles jusqu’au 20 janvier 1999, Mme Martres avait en effet vainement candidaté pour un poste hors hiérarchie de président de chambre à la cour de Bordeaux, de Montpellier, de Pau ou de Toulouse voire premier vice-président du tribunal de Bordeaux ou de Toulouse qui devaient se libérer en décembre 2016 ou juillet 2017.

S’agissant des « propositions » de nomination d’un magistrat soumises par le garde des sceaux au CSM, la Haute juridiction administrativeCE, 25 oct. 2018, n° 405418, Françoise Martres et a. rappelle qu’une telle proposition ne constitue qu’un « acte préparatoire » au décret de nomination du président de la République qui n’a pas le caractère de « décision » faisant grief susceptible de faire l’objet d’un « recours pour excès de pouvoir » et les deux requêtes contre ces propositions-décisions sont donc rejetées pour être irrecevables.

Quant aux décrets présidentiels, le Conseil d’État a examiné le bien-fondé des requêtes et notamment si la candidature de Mme Martres a été écartée du fait de son engagement syndical, de janvier 2013 à décembre 2015, en tant que présidente du Syndicat de la magistrature dans la mesure où le CSM avait émis un avis non conforme sur plusieurs des candidats retenus par le garde des sceaux pour des « postes sur lesquels [elle] s’était portée candidate en raison de la moindre qualité de leurs dossiers » ainsi qu’un courrier du CSM en date du 15 décembre 2016 où il était indiqué que « le fait d’écarter systématiquement, depuis un an, les candidatures de Mme Martres aux postes hors hiérarchie pour des motifs étrangers à sa qualité professionnelle ou à la gestion des ressources humaines est vécu par l’intéressée comme une gestion discriminatoire de sa carrière liée à sa qualité de responsable syndicale ».

En réponse, le garde des sceaux avait répliqué qu’outre le fait que la proposition des magistrats nommés était motivée par leur qualités, il a effectivement été tenu compte de la mise en examen pour injures publiques et du renvoi devant le tribunal correctionnel de Mme Martres dans le cadre de l’affaire dite du « Mur des cons » qui avait consisté en un « dispositif d’affichage mis en place au siège du syndicat visant à dénigrer certaines personnalités, notamment des membres du parlement ainsi que des justiciables s’étant portés partie civile dans des affaires judiciaires » ayant eu un « retentissement public exceptionnel » de nature à « jeter publiquement le doute sur son respect des exigences de réserve ».

Il ne ressort pas du dossier, selon le Conseil d’État, que le choix de ne pas proposer la nomination de Mme Martres ait été motivé par son engagement syndicale mais, poursuit-il, dans la mesure où le ministre doit apprécier non seulement les aptitudes des intéressés et les caractéristiques des postes concernés mais également « les exigences déontologiques et les besoins de l’institution judiciaire », il a « légalement » pu également prendre en compte la mise en examen de Mme Martres, en février 2014, et son renvoi devant le tribunal correctionnel, décidé en février 2015 par le juge d’instruction puis confirmé par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris en septembre 2015, pour apprécier « l’opportunité de retenir sa candidature à une promotion à un poste plus élevé que celui qu’elle occupe depuis [2005] » compte tenu de la « nature des faits en cause et des doutes qu’ils peuvent faire naître quant à l’appréciation du respect des obligations déontologiques et de l’exigence d’impartialité de l’institution judiciaire » et du « retentissement public de l’affaire, ravivé par les étapes de la procédure judiciaire en 2014 et 2015, alors même qu’aucune procédure disciplinaire n’a été engagée à [son] encontre ».

Il ne ressort pas du dossier, tranche la Haute juridiction, que le choix de ne pas proposer la candidature de l’ancienne présidente du Syndicat de la magistrature pour une promotion à un poste plus élevé que celui qu’elle occupe constituerait une « sanction déguisée ». La décision intervient alors qu’entre-temps Mme Martres a été « rétrogradée », par décret présidentiel du 16 août 2017, au tribunal de grande instance de Bordeaux, en tant que « première vice-présidente adjointe », dans l’attente de son procès qui doit normalement avoir lieu du 4 au 7 décembre 2018.