Nominations : Un ancien recteur et un ancien directeur de cabinet ministériel sanctionnés

En ces temps où les mots "crise" et "dette" sont entendus quotidiennement, il faut être particulièrement vigilant sur les dépenses publiques. La Cour des comptes nous le rappelle encore aujourd'hui, dans un arrêt du 13 juillet publié hier où elle sanctionne des irrégularités.
L'affaire porte sur plusieurs inspecteurs de l'académie de Paris. Il s'avère que non seulement leur nomination n'a pas été conforme aux textes français, non seulement certains ont été détachés à des services sans respect des règles prévues à cet effet... mais qu'en plus, certains ne faisaient rien, n'avaient aucun travail à fournir.
Des nominations irrégulières
Il s'agit donc de 12 personnes nommées entre le 9 octobre 2006 et le 9 mai 2008. Leur recrutement a été géré par les directeurs de cabinet du ministre de l'éducation nationale (Gilles de Robien, à l'époque, puis Xavier Darcos à partir de 2007). Il s'agissait de, successivement, Patrick Gérard, Bernard Thomas et Philippe Court.
Estimant la procédure très douteuse, le procureur général a renvoyé les responsables présumés devant la Cour de discipline budgétaire et financière. Ils étaient donc soupçonnés d'avoir nommés ces inspecteurs sans avoir de bases légales pour cela.
La Cour relève en effet notamment que :
► 8 de ces personnes nommées n'étaient pas des fonctionnaires. Or, aux termes de la loi
► La loi de finances de 2004 avait supprimé du budget de l'État neuf emplois d'inspecteurs de l'académie de Paris. Il en résultait qu'il n'était plus possible, à cet effet, de faire de nouvelles nominations.
► Entre 2003 et 2008, le recteur de l'académie de Paris et les doyens de l'inspection générale de l'éducation nationale avaient plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme. Ils ne voyaient pas l'utilité de nommer de nouveaux inspecteurs, ils ne percevaient aucune nécessité à cela, pas même de "besoin". Ils l'avaient fait savoir à ceux qui étaient chargés des nominations.
Aucun des trois directeurs de cabinet n'aurait donc tenu compte de tout cela.
Si tous ont donc leur part de responsabilité, l'arrêt estime que l'essentiel de la procédure de nomination aurait été menée par Patrick Gérard, en ce qui concerne neuf postes sur douze. Pour reprendre une formule chiraquienne, il aurait majoritairement au départ décidé, quand Thomas et Court auraient par la suite davantage exécuté.
Pour se défendre, Gérard a invoqué devant la Cour un flou juridique. Il a affirmé que le directeur des affaires financières au ministère de l'éducation nationale lui avait dit qu'il était encore possible de recruter, en application notamment d'un décret de 1948, et qu'il a donc cru être dans son bon droit.
Mais la Cour estime qu'il aurait dû voir les signaux, se poser des questions, ou au moins en discuter avec le ministre à l'époque. Elle relève qu'"aucune pièce n'établit que les directeurs de cabinet ont informé leurs ministres du doute sérieux qui existait sur la légalité de ces nominations et des difficultés de gestion en résultant". Elle condamne Patrick Gérard à 400 euros d'amende. Et relaxe les deux autres.
Des activités irrégulières... ou inexistantes
Durant la même période, ce ne sont donc pas seulement les nominations qui étaient douteuses... mais également les tâches à effectuer.
Dans certains cas, il n'y en avait simplement pas. La Cour relève ainsi "une absence totale de service fait pendant une période déterminée" pour deux inspectrices, entre 2007 et 2009. Ceci parce que "leur chef de service ne leur a donné aucune mission au cours de ces périodes".
Dans d'autres cas, il y en avait, mais sans lien avec l'objectif premier.
Ainsi, treize inspecteurs ont été mis à disposition d'autres organismes. Ils n'ont pas travaillé pour le rectorat de Paris. L'un a été missionné pour le Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle. Un autre pour le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un troisième a été mis à disposition du cabinet du ministre de l'éducation. Ainsi de suite...
Ce type de détachements peut être possible, mais doit respecter certaines formalités. Or, en l'espèce :
► mis à part dans un seul cas, il n'y a pas eu de conventions passées entre l'administration gestionnaire (le rectorat) et l'organisme d'accueil comme l'exige un décret
► quatre des inspecteurs d'académie détachés n'étaient pas fonctionnaires, et n'entraient pas dans le cadre des exceptions prévues par le même décret pour qu'un non titularisé puisse être mis à disposition.
La responsabilité de Maurice Quénet (photo), recteur de l'académie de Paris du 12 décembre 2002 au 5 décembre 2008, est ici pointée du doigt, et reconnue comme "entière en ce qui concerne cette mise à disposition irrégulière", même si "cette irrégularité résulte des nominations elles-mêmes sans fondement".
Le recteur est également jugé responsable de ne pas avoir donné de travail à ces deux inspectrices, entre 2007 et 2009. Il est finalement condamné, pour tout cela, à une amende de 300 euros.