Presse en ligne : Pas de QPC contre une loi se bornant à transposer la directive TVA

Mediapart.

L’étau se resserre autour de Mediapart, le Conseil d’État a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant l’article 298 septies du code général des impôts transposant en droit interne la directive de 2006 réservant aux seules publications imprimées le taux réduit de 2,1 %.

Dans le cadre du litige l’opposant à l’administration fiscale et ayant conduit, en décembre 2013, à un redressement fiscal de près de 4 millions d’euros pour avoir appliqué dès la création de son site mediapart.fr, au printemps 2008, le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 2,1 % réservé aux journaux et périodiques imprimés jusqu’au 1er février 2014, la société Mediapart a soulevé une question préjudicielle qui doit être examinée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que la haute juridiction administrativeCE, 28 déc. 2016, n° 404625, société éditrice de Mediapart c/ ministre de l’économie et des finances. vient de refuser de renvoyer au juge constitutionnel.

L’article 98 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006Directive 2006/112/CE du Conseil, 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, J.O.UE, L 347/1, 11 déc. 2006. exclut en effet la possibilité pour les États membres d’appliquer un taux réduit de TVA aux services fournis par voie électronique et, dans sa version applicable jusqu’au 31 janvier 2014, l’article 298 septies du code général des impôts (CGI) n’est que la transposition en droit interne de la directive. Le législateur de 2010, à l’instar de celui de 1989, a donc réservé l’application du taux réduit de TVA de 2,1 % ou de 1,05 % aux seuls journaux et périodiques imprimés, à l’exclusion des publications en ligne.

Devant le juge administratif, Mediapart a formé une QPC contre cet article en soutenant que ces dispositions du CGI portent « atteinte à la liberté d’entreprendre, à la liberté de communication et d’expression, au principe d’égalité et à l’objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensées et d’opinions ».

Faisant application d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a refusé de la lui renvoyer car dans le cadre d’une QPC « dirigée contre des dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires d’une directive de l’Union européenne, dont la transposition constitue une exigence constitutionnelle, [le] pouvoir de contrôle [du Conseil constitutionnel] ne peut s’exercer que si une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France est mis en cause ».

Une QPC à l’encontre d’une loi se bornant à transposer une directive revient en fait à critiquer la directive elle-même et il n’appartient qu’au juge de l’Union européenne de se prononcer sur la validité d’une directive puisque, au cas particulier, l’article 298 septies du code général des impôts se borne à transposer la directive européenne du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et la QPC soulevée par la société éditrice de Mediapart ne mettait en cause aucune règle ou principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France.

Le sort que réservera la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle de Mediapart reste fort incertain dans la mesure où la France a généralisé, à compter du 1er février 2014, le taux réduit de TVA de 2,1 % à toute la presse — qu’elle soit imprimée ou en ligne — sans y être formellement autorisée et il n’est pas exclu, dans l’hypothèse la plus défavorable, qu’il lui soit ordonné de réclamer le remboursement de cette aide indirecte jusqu’à ce qu’intervienne une modification — actuellement en gestation à la Commission de Bruxelles — en bonne et due forme de l’article 98 de la directive de 2006.