Procédure pénale : La visioconférence jugée contraire à la Convention européenne

Le Conseil d’État a jugé vendredi contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) la possibilité offerte par l’ordonnance du 25 mars 2020 d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales ainsi que la prolongation de plein droit des délais maximaux de détention provisoire. Les effets pour le passé de cette annulation devraient être connus dans un mois environ, après que la haute juridiction administrative aient recueillis les observations des uns et autres.
À la demande plusieurs organisations professionnelles d’avocats, l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, le Conseil national des barreaux, l’Ordre des avocats au barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers, ainsi qu’un demandeur individuel directement concerné par les dispositions critiquées, la haute juridiction administrative avait été saisie pour que soient annulés les articles 4, 5, 7, 13, 14, 15, 16, 17 et 30 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 qui permettent au juge « d’imposer le recours à la visioconférence, voire à des moyens de communication téléphonique, devant l’ensemble des juridictions pénales autres que criminelles » (art. 5) et de prolonger « de plein droitdes délais maximaux de détention provisoire et de comparution » (art. 15 à 17), étant précisé que les articles 5 et 16 ont déjà été déclarés contraires à la Constitution par le juge constitutionnel
Le juge administratif
Contexte exceptionnel de lutte contre l’épidémie de covid-19 ou pas, le droit à la sûreté garanti par l’article 5 de la Convention ne fait par ailleurs pas obstacle à ce que des modalités de prolongation des délais de détention provisoire soient prévues mais, même dans un contexte exceptionnel, ce droit impose que la juridiction compétente « se prononce systématiquement après un débat contradictoire » et, dans un délai bref, sur le bien-fondé du maintien d’une détention provisoire. Les dispositions critiquées sont donc jugées contraires à la Convention européenne.
L’annulation rétroactive de la substance de l’ordonnance attaquée pourrait toutefois avoir des conséquences excessives en raison des effets produits pendant près d’un an, estime sagacement le Conseil d’État qui diffère sa décision sur ce point et laisse aux parties un délai d’un mois pour lui faire part de leurs observations quant à la « portée à donner aux annulations pour le passé ».