Protection juridique : L’État devra assumer la défense d’Yves Bertrand

Les carnets secrets d’Yves Bertrand reviennent sur le devant de la scène. Le conseil d’État vient de se prononcer sur la demande de protection que l’ancien directeur central des renseignements généraux demandait au ministère de l’Intérieur. Dans une décision du 24 juillet 2009, la place Beauvau la lui refusait arguant du fait que le fonctionnaire avait commis une faute personnelle détachable de l’exercice de ses missions de service public. La juridiction administrative
Dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Clearstream, les carnets de note de l’ancien fonctionnaire avaient été saisis et placés sous la responsabilité de l’autorité judiciaire. Peu de temps après, certains extraits de ces documents s’étaient retrouvés dans la presse. Yves Bertrand a donc sollicité le ministère de l’Intérieur pour qu’il prenne en charge sa défense. Lui entendait porter plainte contre certains commentaires de presse qu’il jugeait injurieux et diffamatoires. Il devait aussi faire face à plusieurs personnalités dont le nom était cité dans ses carnets et qui avaient décidé de porter plainte contre lui.
Pour demander cette protection, l’ancien policier se fondait sur l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 selon lequel « les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent ». Cette protection peut toutefois être refusée si « les faits en relation avec les poursuites ont le caractère d'une faute personnelle ». Le ministère de l’Intérieur considérait que le fait d’avoir conservé ces carnets à son domicile constituait une faute personnelle détachable du service. Il ajoutait également que « ces carnets comportant des annotations susceptibles de jeter le discrédit sur des personnalités publiques et attentatoires à leur vie privée, l'intérêt général justifiait qu'il soit dérogé à l'obligation de protection statutaire ».
Dans leur décision, les magistrats administratifs n’ont pas suivi l’argumentaire de la place Beauvau en ce qui concerne la défense du fonctionnaire pour les plaintes dont il fait l’objet. Ils constatent la commission d’une faute puisqu’ Yves Bertrand a conservé ses carnets à son domicile mais ils ne retiennent pas la faute personnelle. « Il ne ressort pas des pièces du dossier qu[‘il] ait conservé ces carnets en vue de s'en servir à des fins personnelles », indiquent les magistrats.
En revanche, il déboute Yves Bertrand de sa demande sur les commentaires de presse proférés à son encontre. « L'Etat ne saurait couvrir de son autorité les agissements d'un directeur central des renseignements généraux ayant recueilli sur des personnalités publiques, dont certaines investies de responsabilités nationales ou de mandats électifs, des informations sans lien avec les missions de service public dont il avait la responsabilité, et gravement attentatoires à l'intimité de la vie privée de ces personnes », estiment les magistrats, ce qui permet donc à la collectivité de s’exonérer de son obligation de protection.
Le Conseil d’État laisse un délai d’un mois au ministère de l’Intérieur pour prendre effectivement en charge la défense de l’ancien directeur central des renseignements généraux.