Vie privée : Les comptes annuels de la Fondation Louis Vuitton ne sont pas communicables

Fondation Louis Vuitton.
Fondation Louis Vuitton.

Le Conseil d'État a jugé vendredi que la disposition interdisant à l'administration de communiquer à des tiers les documents qu'elle détient lorsque cette communication porterait atteinte à la protection de la vie privée s’applique non seulement aux personnes physiques mais aussi aux personnes morales, en particulier aux organismes à but non lucratif, et concerne, notamment, les documents relatifs à leur fonctionnement interne et à leur situation financière. Il n'en va autrement, précise la Haute juridiction administrative, que si des dispositions législatives dérogent à cette interdiction. Pour ce qui est des fondations d'entreprise, le législateur n'a prévu une obligation, pour l'administration qui les détient, de communiquer aux personnes qui en font la demande leur budget et leurs comptes que lorsque les fondations reçoivent des subventions publiques. Tel n'est pas le cas de la Fondation Louis Vuitton et ses comptes ne sont donc pas communicables à des tiers.

C’est l’association de lutte contre la corruption Anticor qui avait demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner au préfet de lui communiquer les comptes annuels 2016 et 2017 de la fondation Louis VuittonDéc. préfet de Paris et de la région d'Île-de-France, 29 janv. 2019. et après le rejet de sa demandeTA Paris, 17 juin 2020, n° 1910687/5-3, association Anticor c/ préfet de Paris., l'association s'est pourvue devant le Conseil d’État lequel confirme la décision des premiers juges.

Le code des relations entre le public et l'administration prévoit en effet que les documents produits ou reçus par l'administration sont considérés comme des documents administratifs et que ces documents sont communicables aux personnes qui en font la demande. Il en va ainsi des documents qu'une personne morale de droit privé (société, fondation, association,…) est tenue de transmettre à l'administration pour lui permettre d'exercer son contrôle, lorsqu'un texte le prévoit mais il existe diverses dérogations à ce droit et, en particulier, ne sont pas communicables à des tiers les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée.

Confirmant sa jurisprudence antérieureCE, 17 avr. 2013, n° 344924, ministre du travail, de l’emploi et de la santé c/ cabinet de La Taille., le Conseil d'ÉtatCE, 10e ch., 7 oct. 2022, n° 443826, association Anticor c/ ministre de l’intérieur et des outre-mer. juge que ces dispositions protectrices de la vie privée sont applicables aux personnes morales de droit privé et excluent en principe, sous réserve qu'elle ne soit pas imposée ou impliquée par d'autres dispositions, la communication à des tiers des documents relatifs notamment à leur fonctionnement interne et à leur situation financière.

Pour les fondations d'entreprise qui ne sont pas des sociétés commerciales mais des organismes à but non lucratif, elles sont tenues d'adresser chaque année au préfet un rapport d'activité auquel sont joints le rapport du commissaire aux comptes et les comptes annuels. Ces documents reçus par le préfet sont considérés comme étant des documents administratifs couverts par la protection de la vie privée et il n’est dérogé à cette protection, en ce qui concerne les fondations d'entreprise, que pour celles ayant reçu une subvention publique qui ouvre un droit à communication des comptes à toute personne qui en fait la demande.

En l'état actuel du droit, les comptes d'une fondation d'entreprise qui ne reçoit pas de subvention publique, juge donc le Conseil d’État, ne sont pas communicables et, au cas particulier, les comptes annuels 2016 et 2017 de la fondation Louis Vuitton, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a reçu aucune subvention publique durant cette période, ne sont pas communicables à l’association Anticor.