Arbitrage Tapie : La cour de cassation rejette le pourvoi

La décision du tribunal arbitral ayant été surprise par le concert frauduleux entre l’ancien magistrat Pierre Estoup et Bernard Tapie, la cour de cassation a approuvé la cour d’appel de Paris qui avait annulé la sentence arbitrale.
L’affaire remonte à la fin de l’année 1992 lorsque l’éphémère ministre de la ville du gouvernement Bérégovoy avait décidé de cesser ses activités industrielles et commerciales pour se concentrer sur le mieux-vivre des plus défavorisés. M. Tapie avait alors donné mandat à une filiale du Crédit lyonnais, la Sdbo (Société de banque occidentale), de vendre à un prix minimum imposé sa holding de droit allemand détenant sa participation dans la société Adidas.
Courant 1993, la participation fut cédée à plusieurs sociétés parmi lesquelles une filiale du Crédit lyonnais, Clinvest (devenue CDR Consortium de réalisation). Après la mise en liquidation judiciaire des époux Tapie et de ses sociétés, ce sont les liquidateurs qui ont engagé une action en responsabilité contre le Crédit lyonnais et la Sdbo (devenue CDR créances) pour manquement à leurs obligations de mandataires.
Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 septembre 2005, partiellement cassé par un arrêt de la cour de cassation du 9 octobre 2006, avait déclaré CDR créances et le Crédit lyonnais responsables du préjudice subi. Deux autres affaires étaient pendantes, l’une contre CDR créances pour soutien et rupture abusifs de crédit et l’autre par CDR contre la société Alain Colas Tahiti (ACT) en restitution du prêt octroyé pour la rénovation du navire Phocéa.
Mais un compromis fut élaboré le 16 novembre 2007, sous la présidence Sarkozy, entre tous les protagonistes pour confier tous les contentieux à l’arbitrage de trois personnalités de premier plan : Pierre Mazeaud, Jean-Denis Bredin et Pierre Estoup, avec l’obligation de respecter l’autorité de la chose jugée des décisions de justice définitives précédemment rendues.
Une sentence arbitrale a ainsi retenu que les deux sociétés CDR avaient violé les obligations de loyauté et de l’interdiction de se porter contrepartie et avaient été condamnées à payer 240 millions d’euros, outre les intérêts, 45 millions d’euros aux époux Tapie pour leur préjudice moral et 8,45 millions d’euros au titre des frais.
Plus récemment, des révélations sur les liens des uns et des autres ont amené les deux CDR à saisir la cour d’appel de Paris d’un recours en révision qui a abouti
Les questions soumises à la cour de cassation portaient sur le caractère interne ou international de la sentence arbitrale rendue et sur l’utilisation de pièces extraites de l’information pénale en cours.
Le caractère interne ou international de l’arbitrage était d’importance dans la mesure où dans le premier cas, la cour d’appel pouvait effectivement être saisie d’un recours en révision alors que dans le second cas, le recours en révision relevait d’un tribunal arbitral. Pour valider partiellement les développements de la cour d’appel sur ce premier point, la première chambre civile de la cour de cassation
Pour ce qui est des pièces extraites d’une information pénale en cours, la juridiction suprême rappelle que le secret de l’instruction n’est opposable ni aux parties civiles ni au ministère public et il ne peut donc être reproché au parquet d’avoir autorisé les parties civiles à communiquer des pièces extraites du dossier de l’information judiciaire en cours.
S’agissant d’un arbitrage interne qui pouvait faire l’objet d’un recours en révision devant la cour d’appel de Paris et au soutien duquel des pièces pouvaient parfaitement être extraites d’une information pénale en cours, la cour de cassation se penche alors sur les motifs mêmes qui ont conduit les juges du fond à annuler l’arbitrage et à c’est égard, elle ne fait montre d’aucune complaisance à l’encontre de l’ancien magistrat Pierre Estoup.
« L’occultation par un arbitre des circonstances susceptibles de provoquer, dans l’esprit des parties, un doute raisonnable quant à son impartialité et à son indépendance, dans le but de favoriser l’une des parties, constitue une fraude rendant possible la rétractation de la sentence arbitrale dès lors que cette décision a été surprise par le concert frauduleux existant entre l’arbitre et cette partie ou les conseils de celle-ci, juge la cour suprême qui précise que la cour d’appel a justement relevé que pour dissimuler aux sociétés CDR la réalité de leurs relations antérieures, M. Estoup, arbitre, et M. Lantourne, conseil de M. Tapie, avaient usé de manœuvres dolosives, avaient caché l’existence des liens personnels anciens, étroits et répétés entre M. Estoup et M. Tapie, cette dissimulation participait de l’accomplissement du dessein, ourdi par l’arbitre, de concert avec M. Tapie et son représentant, de favoriser, au cours de l’arbitrage, les intérêts de cette partie et, au cours de la procédure, M. Estoup, de concert avec M. Tapie et son conseil, s’était employé, à seule fin d’orienter la solution de l’arbitrage dans un sens favorable aux intérêts de la partie qu’il entendait avantager, à exercer un rôle prépondérant au sein du tribunal arbitral et à marginaliser ses co-arbitres ».
C’est donc à bon droit, conclut la cour de cassation, que la cour d’appel a retenu que la décision du tribunal arbitral avait été surprise par la fraude commise par M. Estoup, de connivence avec la partie au profit de qui elle avait été rendue. Une somme globale de 15 000 euros est en outre mise à la charge des époux au titre des frais irrépétibles.