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Avocats : Le CNB débouté de ses demandes contre "Demander Justice"

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Conseil national des barreaux (CNB). Conseil national des barreaux (CNB).

Le tribunal de grande instance de Paris a débouté le Conseil national des barreaux (CNB) et l’Ordre des avocats de Paris de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la société éditrice des sites demanderjustice.com et saisirprudhommes.com dont les prestations sont « dépourvues d’une véritable valeur juridique ajoutée ainsi que de toute dimension stratégique, outre l’absence de fourniture de conseils personnalisés et le défaut d’une analyse quant à l’applicabilité des normes et informations juridiques ».

Créée en mai 2012, la société Demander Justice — qui exploite deux sites permettant, contre rémunération, de saisir via des formulaires-type un juge de proximité, un tribunal d’instance ou un conseil de prud’hommes — est depuis sa création le souffre-douleur des robes noires et a ainsi fait l’objet de deux signalements au parquet par le bâtonnier de Paris les 9 août 2012 et 18 février 2013 qui ont fait pschitt et abouti à un arrêt du 21 mars 2016 de la cour d’appel de Paris1  confirmant le jugement de relaxe prononcé par les premiers juges2  au profit du fondateur de la société.

L’attaque a également été portée au civil par le CNB, avec l’Ordre des avocats de Paris comme partie intervenante, et c’est la décision sur le volet civil qui a été rendue mercredi par le tribunal de Paris à qui le CNB demandait de dire que la réalisation des formalités de saisine d’une juridiction constitue « un acte d’assistance en justice », que l’activité d’assistance et de représentation en justice exercée par la société Demander Justice est « illégale car effectuée sous forme d’un commerce électronique », que par l’intermédiaire du service téléphonique qu’elle met en place et des courriels envoyés à ses clients, elle « se livre à une activité de consultation juridique », que la mention "démarrez votre procédure" utilisée sur les sites internet exploités constitue « une activité de démarchage illicite ou de publicité illicite », que l’utilisation de la marque Demander Justice est interdite en ce qu’elle « désigne des services juridiques », que la dénomination sociale et le nom commercial Demander Justice et le nom de domaine présentent « un caractère illicite et/ou trompeur », et, en réparation du préjudice subi, il était réclamé l’euro symbolique à titre de dommages et intérêts. De l’autre côté, à titre reconventionnel, il était demandé 11,7 millions d’euros au titre de la « perte de chance d’investissement », 5 millions d’euros pour « l’atteinte à [son] image » et 100 000 euros pour le préjudice moral.

Dans ce jugement bien motivé, le tribunal3  répond non sur toute la ligne, à l’exception d’une somme de 5 000 euros au profit de la société Demander Justice au titre des frais irrépétibles.

Pour débouter le CNB de l’intégralité de ses demandes, après avoir rappelé en quoi consiste l’assistance en justice selon les articles 411 et suivants du code de procédure et les exceptions prévues par les articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971, les juges relèvent que ni la mise à disposition d’un process facilitant l’élaboration de lettres de mise en demeure ni le fait de rendre accessibles en ligne des formulaires de saisine d’une juridiction — qui ne sont d’ailleurs, souligne perfidement le tribunal, que des modèles édités par le Cerfa et publiés par les services administratifs du Gouvernement — ne mettent en cause « la mission d’assistance en justice réservée aux avocats » s’agissant de juridictions qui peuvent être saisies sans ministère d’avocat et qu’il n’est pas soutenu que « la défenderesse aurait représenté ou assisté un plaideur pour un autre acte et notamment à l’occasion d’une audience ».

Rien ne démontre, selon le tribunal, que les prestations fournies relèveraient de la mission traditionnelle d’assistance ou de représentation en justice telle que peut l’accomplir un avocat dans la mesure où elles sont dépourvues « d’une véritable valeur juridique ajoutée ainsi que de toute dimension stratégique, outre l’absence de fourniture de conseils personnalisés et le défaut d’une analyse quant à l’applicabilité au cas d’espèce des normes et informations juridiques mises à disposition, lesquelles sont par ailleurs aisément accessibles ».

En résumé, pour le tribunal, les deux sites mis en ligne par la société Demander Justice ne tournent que grâce à l’algorithme d’un logiciel performant alimenté avec des données publiques qui ne fournit aucune prestation personnalisée et n’est pas susceptible de se substituer à un avocat. Ouf, ça devrait rassurer le CNB et le barreau de Paris.

 

  • 1Paris, ch. 5-12, 21 mars 2016, n° 14/04307, ministère public, Conseil national des barreaux (CNB) et Ordre des avocats de Paris c/ Jérémy Oinino.
  • 2TGI Paris, 30e ch., 13 mars 2014, ministère public, Conseil national des barreaux (CNB) et Ordre des avocats de Paris c/ Jérémy Oinino.
  • 3TGI Paris, 11 janv. 2017, Conseil national des barreaux (CNB) Ordre des avocats de Paris c/ société Demander Justice.

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