Barreau de Paris : Confirmation de l’annulation des résolutions approuvant les comptes de l’exercice 2012

Ordre des avocats de Paris

La Cour de cassation a rejeté mercredi le pourvoi de l’ordre des avocats de Paris à l’encontre de l’arrêt qui avait annulé, à la demande de trois avocats membres à l’époque du conseil de l’ordre, les résolutions approuvant les comptes pour l’exercice 2012, donnant quitus au bâtonnier pour sa gestion et procédant à l’affectation du résultat au motif qu’il n’avait pas été fourni à tous les membres du conseil toutes les informations pertinentes « en vue de son vote ».

La contestation des trois avocats, Avi Bitton, Elizabeth Oster et Elisabeth Cauly, portait sur une somme de 5 106 282 euros versée au cours de l’année 2012 à des « prestataires dont l’identité, la mission qui leur a été confiée et la rémunération qui leur a été versée n’ont pas été portées à [leur] connaissance » et ils estimaient que cela constituait « une entrave à leur fonction de membres du conseil de l’ordre et caractérisait un abus de pouvoir commis par le bâtonnier » de l’époque, Christiane Féral-Schuhl. À cette somme s’ajoute, un autre poste pour un montant de 455 099 euros intitulé "honoraires autres" qui n’était pas davantage expliqué, soit un montant global opaque de 5 561 381 euros représentant à peu près un quart des cotisations ordinales versées par l’ensemble des avocats parisiens à l’ordre.

Pour annuler les résolutions approuvant les comptes 2012, la cour d’appel de ParisParis, ch. 2-1, aud. sol., 11 févr. 2016, n° 13/20146, 13/20147, 13/20149 et 13/20615, Avi Bitton, Elizabeth Oster, Elisabeth Cauly et syndicat Manifeste des avocats collaborateurs c/ Conseil de l’ordre des avocats de Paris. avait retenu que les trois avocats n’avaient pu obtenir « préalablement à la séance du 18 juin 2013 ni au cours de celle-ci [… les] informations précises et détaillées concernant leur demande particulière portant sur le règlement de la somme de 5 106 282 euros, les confrères qui en ont été destinataires et les missions qui en sont la justification » et, contrairement à ce soutenait l’Ordre, il ne s’agissait pas d’informations « secondaires au regard de la mission de gestion des biens de l’ordre et d’approbation des comptes exercée par le conseil de l’ordre alors même que la somme en cause représente un chapitre important du budget voté ».

Ni les travaux de la commission des finances de l’ordre — qui n’a pas plus d’existence légale que la commission de déontologie — ni les appréciations du commissaire aux comptes qui n’a relevé « aucune anomalie significative » dans les comptes litigieux, avait jugé les juges du fond, ne peuvent suppléer cette carence d’informations et ne peut « priver le conseil de l’ordre de la mission de contrôle qui lui a été conférée par la loi ».

Devant la Cour de cassation, l’ordre des avocats de Paris freinait des quatre fers pour pouvoir rester dans son opacité totale et critiquait donc à la fois la recevabilité et la pertinence du recours des trois avocats. Sur les deux fronts, le barreau de Paris se prend une volée de bois vert qui va le contraindre à revoir de fond en comble l’ensemble de ses mauvaises pratiques et d’y mettre un terme, c’est d’ailleurs le sens de son communiqué du même jour, 4 octobre 2017, annonçant pour… l’année prochaine un meilleur « fonctionnement ».

Sur la recevabilité du recours, il résulte de l’article 19 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dit pour droit la première chambre civile de la Cour de cassationCiv. 1e, 4 oct. 2017, n° 16-15418, Ordre des avocats au barreau de Paris c/ Avi Bitton, Elisabeth Cauly et Elizabeth Oster. que « toute délibération ou décision du conseil de l’ordre peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel à la diligence du procureur général ou de tout avocat, qu’il soit ou non membre dudit conseil, à condition pour ce dernier d’avoir été lésé dans ses intérêts professionnels […] financiers et/ou moraux ». Au cas particulier, en dénonçant des conditions de vote ne permettant pas au conseil de l’ordre d’exercer réellement la mission de gestion et d’administration à lui conférée par l’article 17 de la loi de 1971, les trois avocats ont « un intérêt financier et moral à agir [… car] le contrôle budgétaire participe directement de cette mission de gestion et d’administration et […] toute atteinte avérée au fonctionnement normal des institutions ordinales, en raison de la méconnaissance même des règles régissant leur fonctionnement, est d’ordre moral ».

Sur le fond, la juridiction suprême applaudit des deux mains la cour d’appel qui avait retenu qu’il ne peut être suppléé à « un défaut d’informations des membres du conseil de l’ordre par les travaux de la commission des finances » qui n’a aucune existence légale.