Cession de parts : Est nulle la clause de non concurrence privant le client de choisir son notaire

La clause prévoyant que le cédant des parts d’un office notarial « reverse pendant dix ans les rémunérations perçues de plusieurs clients au cessionnaire en cas de réinstallation » est nulle car elle prive la clientèle de « sa liberté de choix », a jugé la cour de cassation.

Par acte en date du 23 juillet 1998, Me Michel Chapuis, qui exerçait son activité au sein de la société civile professionnelle (SCP) notariale Michel Chapuis et Yves Lemoyne de Vernon à Lalevade d'Ardèche (Ardèche), a cédé à son associé les parts qu’il détenait dans la société et la clause de non concurrence de l’acte de cession prévoyait « une interdiction de réinstallation sur le territoire de certaines communes et le reversement, pendant 10 ans, des sommes perçues par le cédant au titre d’actes établis ou de dossiers traités pour le compte de clients de la SCP au sein d’un autre office notarial ».

Me Chapuis s’est par la suite réinstallé avec un autre confrère, au sein d’une autre SCP, sur le territoire d’une commune autre que celles qui lui étaient interdites mais son ancien associé, Me Yves Lemoyne de Vernon, lui reprochant de n’avoir pas reversé les rémunérations perçues de plusieurs clients en violation des stipulations contractuelles de l’acte de cession de 1998, l’a assigné en réparation de son préjudice.

Débouté par les juges du fondNîmes, 11 janv. 2011, Yves Lemoyne de Vernon c/ Michel Chapuis et a. aux motifs que la clause ambiguë « de non concurrence stipulée emportait cession de clientèle » et qu’elle était nulle car elle soumettait le cédant « à une pression de nature à le tenter de convaincre le client de faire le choix d’un autre notaire », Me Lemoyne de Vernon soutenait notamment dans le moyen de son pourvoi en cinq branches que « l’obligation de reversement de la rémunération éta[n]t limitée à dix ans […] elle ne pouvait être analysée en une cession de clientèle prohibée » et qu’au demeurant, « la cession de clientèle d’un office notarial est licite ».

La première chambre civile de la cour de cassationCiv. 1re, 14 nov. 2012, n° 11-16439, Yves Lemoyne de Vernon c/ Michel Chapuis et a. rejette le pourvoi et approuve la cour d’appel qui avait retenu que la clause litigieuse, « en interdisant à Me Chapuis de percevoir, pour une durée de dix ans, la rémunération de son activité pour le compte de clients qui avaient fait le choix de le suivre en son nouvel office, emportait cession de clientèle, par la sanction de la privation de toute rémunération du travail accompli, soumettait le cédant à une pression sévère de nature, sinon à refuser de prêter son ministère, du moins à tenter de convaincre le client de choisir un autre notaire », enfreint « la liberté de choix » de la clientèle et sa nullité a été prononcée à juste titre, estime la juridiction suprême.