Changement de prénom : La décision étrangère suffit à caractériser l'intérêt légitime

La première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée le 23 mars dernier sur la notion d’intérêt légitime justifiant un changement de prénom Civ. 1re, 23 mars 2011, n° 10-16761..

L’intérêt légitime condition nécessaire au changement de prénom

L’article 60 du code civil permet à toute personne qui justifie d’un intérêt légitime de demander à changer de prénom devant le juge aux affaires familialesArt. 60 du c. civ. : « Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction ou la suppression de prénoms peut pareillement être décidée. Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis ».. Les juges apprécient in concreto l’existence d’un tel intérêt pour l’intéressé.

L’intérêt légitime au sens de l’article 60 du code civil a ainsi été reconnu dans différentes hypothèses telles que l’usage prolongé d’un prénomParis, 21 nov. 1995, D.1996., l’exercice d’une religionParis, 26 sept. 1996, Defrénois 1997. ou encore un motif sexuel en cas de transsexualisme avec ou sans modification de la mention du sexe portée sur l’acte d’état civilParis, 24 fév. 1978, JCP 1979. II. 19202..

En revanche, la notion d’intérêt légitime n’est pas retenue lorsqu’il s’agit d’un simple motif de convenance tel que le désir de substituer au prénom son diminutifCiv.1re, 20 fév. 1996, Bull.civ.I, n°98., ou encore la volonté d’intervertir l’ordre des prénomsGrenoble, 9 mars 2005, JCP 2005.IV.3379..

Dans son arrêt du 23 mars, la Cour de cassation a réaffirmé qu’une décision étrangère peut constituer un intérêt légitime.

Dans cette affaire, la Cour d’appel de Lyon avait rejeté la demande de changement de prénom estimant que la demanderesse ne justifiait pas d’un intérêt légitime. Celle-ci avait la double nationalité française et israélienne et avait été autorisée par le ministère de l’intérieur israélien à changer son patronyme ainsi que son prénom.

Les juges du fond ont avancé la discordance entre son identité française et son identité israélienne pour qualifier sa demande de changement de prénom de prématurée et la rejeter. Selon eux, la demande de changement de nom de famille devant les autorités françaises devait précéder celle du changement de prénom.

La Haute juridiction judiciaire a cassé cet arrêt pour violation de l’article 60 du code civil, estimant que l’acte du ministère de l’intérieur israélien autorisant la demanderesse à changer de prénom constituait à lui seul l’intérêt légitime.

Elle confirme ainsi sa jurisprudence du 25 octobre 2005 Civ. 1re, 25 oct. 2005, Bull. Civ. I, n°391. par laquelle elle estimait qu’une décision du Conseil d’État helvétique du Canton du Valais qui avait autorisé à porter le prénom objet de la demande de changement, caractérisait l’intérêt légitime.