Comparateur d'avocats : Condamnation aggravée en appel pour avocat.net devenu alexia.fr

Le tribunal avait retenu à l’encontre de la société Jurisystem que sa plateforme avocat.net crée « une confusion dans l’esprit du public » et que ses « pratiques commerciales [sont] trompeuses » pour lui enjoindre de procéder à la radiation de son nom domaine, de changer la dénomination de son site rebaptisé alexia.fr et de ne plus utiliser son slogan « le comparateur d’avocats n° 1 en France ».
La cour d’appel va nettement plus loin mais Jurisystem triomphe néanmoins sur un point : sa rémunération forfaitaire pour chaque devis acheté par l’avocat qui utilise sa plateforme n’est pas remise en cause, elle ne constitue ni la rémunération d’apports ni un partage d’honoraires.
L’usurpation du titre d’avocat
Comme le tribunal
La cour refuse catégoriquement à Jurisystem la possibilité d’être autorisée, même temporairement, à utiliser cette dénomination « prêtant à confusion » pour permettre la redirection vers son nouveau site alexia.fr.
Des pratiques commerciales trompeuses
Après avoir rappelé que le Conseil national des barreaux (CNB) est parfaitement habilité à agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession d’avocat et à prétendre que l’utilisation par une société commerciale de la dénomination « avocat.net » est trompeur et porte préjudice à la profession d’avocat dans son ensemble, la cour souligne que la société — qui persiste à s’afficher comme un comparateur d’avocats — délivre des devis « gratuit et immédiat » pour « des conseils juridiques » ce qui permet à l’internaute raisonnablement attentif mais non juriste de penser que les services émanant de cette société sont assurés « uniquement par des avocats animateurs du site » alors que ceux-ci ne peuvent avoir une activité commerciale, de sorte qu’il y a « une confusion sur les prestations offertes […] sans incidence que les services juridiques soient au final entièrement assumés par des avocats […] dès lors qu’il ne s’agit pas d’une société d’avocats mais une société commerciale tierce qui utilise ce titre d’avocat de façon trompeuse ».
Toutes les mesures d’interdiction et de radiation ordonnées par le tribunal sont donc confirmées et la cour y ajoute, sous astreinte, le transfert du nom de domaine avocat.net et iavocat.fr au profit du CNB.
Des consultations juridiques prohibées
Le tribunal avait écarté cette demande du CNB, la cour l’accueille favorablement en retenant qu’il est démontré que la société Jurisystem a recruté un « juriste pour un site juridique en droit de la famille » pour « répondre aux questions juridiques posées par les internautes », ce qui constitue, juge la cour, « la délivrance de consultations juridiques par une société commerciale » et, en outre, relève la cour, la société référençait « sous l’appellation avocat certifié une personne, madame Anne Reversac, qui n’est plus inscrite à aucun ordre d’avocats » alors qu’il lui appartient de vérifier la véracité du titre d’avocat des personnes qu’elle « met en avant » en cette qualité.
Le slogan « comparateur d’avocats n° 1 en France » est une violation par un tiers de la déontologique des avocats
La société Jurisystem a fait plaider que les internautes sont aujourd’hui habitués à utiliser des sites de comparaison et qu’elle possède 4 500 avocats (sur les 56 176 avocats en exercice que compte la France) dans son annuaire qu’elle compare en fonction de leur domaine d’activité, de l’ancienneté, des mentions de spécialisation, de la formation universitaire, du lieu d’exercice, des notes attribuées par les internautes, des articles écrits, des réponses fournies,… pour parvenir à une « note globale […] obtenue par un algorithme », étant précisé qu’elle a entre-temps abandonné « le comparateur d’avocats n° 1 en France » pour se replier sur « comparateur d’avocats »et « comparez les avocats ».
Grand apport de cet arrêt : la violation d’une obligation déontologique par un tiers peut être constitutive, nous dit la cour, d’une « faute délictuelle à l’égard de ceux qui sont tenus au respect de cette obligation », affirmation qui mérite, sans nul doute, qu’elle soit pesée, sous-pesée et confirmée par la cour de cassation tant la notion de « respect de la déontologique des avocats par un tiers non avocat » semble un syllogisme de circonstance auquel il manque assurément la mineure et la majeure.
Toujours est-il que Jurisystem ne compare, relève la cour, qu’un nombre restreint d’avocats et que le slogan initial est donc, comme l’avaient relevé les premiers juges, trompeur et ce d’autant plus, que « les critères de référencement et de classement ne sont pas clairement exposés » mais c’est sur le fondement de l’article 10.2 du règlement intérieur de la profession d’avocat qui prohibe toute mention comparative que la cour — et c’est là qu’est la nouveauté et la faute déontologique commise par un tiers — interdit les deux nouveaux slogans au motif que la relation particulière avec un avocat est « exclusive de tout comparateur à finalité commerciale ».
Une semaine après l’arrêt, alexia.fr persiste et signe être un comparateur d'avocats. « Ce comparateur, peut-on lire, ne permet pas de comparer tous les avocats inscrits à un barreau français mais uniquement les avocats qui ont décidé de s'inscrire sur le site et de contracter avec la société Jurisystem, soit à ce jour 4 744 avocats ». Une astreinte de 150 euros par jour courra trois mois après que la décision aura été signifiée. Une astreinte de 10 000 euros a d'ores et déjà été liquidée par le tribunal
Le CNB obtient par ailleurs la publication de la décision dans trois journaux de son choix ainsi que sur deux sites de la société Jurisystem. Il n'empêche que si la société Jurisystem est soumise à la déontologie des avocats, comment se fait-il qu'il soit si difficile de la faire appliquer par les avocats qui sont présents sur cette plateforme et qui, eux, y sont soumis sans aucun doute.