Diffamation : L'article 53 de la loi 1881 applicable aussi devant le juge des référés

À l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel abonde dans le sens de la jurisprudence de l'assemblée plénière de la cour de cassation selon laquelle l'article 53 de la loi sur la liberté de la presse doit également recevoir application devant la juridiction civile, y compris devant le juge des référés.

L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse impose, sous peine de nullité de la poursuite, que la citation « précise et qualifie le fait incriminé, [et] indique le texte de loi applicable à la poursuite », outre qu'elle doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et être notifiée tant au prévenu qu'au ministère public. Le texte visant expressément la « poursuite » et le « prévenu », on pouvait avoir légitimement quelques doutes quant à son applicabilité devant les juridictions civiles.

Après avoir dit, dans la même affaire, le contraire en avril 2010Civ. 1re, 8 avr. 2010, n° 09-14399, Selàrl docteur Dominique Debray et M. Dominique Debray c/ SA Aufeminin.com et Mme Sylvie Pruzniak  retenant que « satisfait aux prescriptions d[e l'article 53] la citation qui indique exactement au défendeur les faits et les infractions qui lui sont reprochés, et le met ainsi en mesure de préparer utilement sa défense sans qu'il soit nécessaire que la citation précise ceux des faits qui constitueraient des injures et ceux qui constitueraient des diffamations ». sous la plume de sa première chambre civile, sur rébellion de la cour d'appel de ParisParis, pôle 1 - ch. 3, 15 févr. 2011, n° 10/09473, Selàrl docteur Dominique Debray et M. Dominique Debray c/ SA Aufeminin.com et Mme Sylvie Pruzniak., la cour de cassation, dans sa formation plénièreAss. pl., 15 févr. 2013, n° 11-14637, Selàrl docteur Dominique Debray et M. Dominique Debray c/ SA Aufeminin.com et Mme Sylvie Pruzniak., avait définitivement levé le doute en disant pour droit, le 15 février dernier, que l'article 53 doit recevoir application devant la juridiction civile« Procès de presse: Poursuite de l'uniformisation du régime devant les juridictions pénale et civile », Alfredo Allegra, 18 févr. 2013..

N'empêche que quelques jours plus tard, le 20 février, la première chambre civileCiv. 1re, 20 févr. 2013, n° 12-20544, société Ecocert France c/ société France Télévisions., ne s'estimant pas vaincue, transmettait au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant l’application de ces dispositions de l'article 53 devant la juridiction civile statuant en référé qui seraient contraires, était-il soutenu, au principe constitutionnel garantissant« le droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction et à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen  » car, semblait admettre la chambre rebelle de la cour de cassation, les personnes peuvent être « privées de leur droit d'accès au juge en temps utile, notamment dans une procédure d'heure à heure, en raison des exigences procédures, auxquelles, en application de [l'article 53], sont soumises les assignations en référé, lesquelles sollicitent des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imment ».

Visant expressément, de manière tout-à-fait exceptionnelle, l'arrêt du 15 février 2013 de l'assemblée plénière de la cour de cassation qui a jugé que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 « doit recevoir application devant la juridiction civile », le Conseil constitutionnel juge qu'il n'y a pas de déséquilibre créé par les dispositions contestées qui « concilient » parfaitement « le droit à un recours juridictionnel » efficace à « la protection constitutionnelle de la liberté d'expression » et au « le respect des droits de la défense ».

Cette précision apportée, la polémique est à présent définitivement close, l'article 53 est applicable devant toutes les juridictions, y compris devant le juge des référés.