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État civil : Le sexe neutre n’existe pas (encore) en France

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Cour de cassation. Cour de cassation.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’un intersexuel qui souhaitait voir la mention « sexe masculin » inscrite sur son acte de naissance rectifiée en « sexe neutre ». Une première en France.

Aujourd’hui âgé de 65 ans, D., inscrit à l’état civil comme étant de sexe masculin, avait le tribunal de grande instance le 12 janvier 2015 d’une demande de rectification de son acte de naissance afin que substituée à l’indication « sexe masculin » celle de « sexe neutre » ou, à défaut, « intersexe ».

Pour rejeter la demande de rectification, les juges du fond1  avaient relevé qu’elle était « en contradiction avec son apparence physique et son comportement social » après avoir constaté que ne produisant aucune « hormone sexuelle, aucun caractère sexuel secondaire n’était apparu, ni de type masculin ni de type féminin, le bourgeon génital embryonnaire ne s’étant jamais développé ni dans un sens ni dans l’autre, de sorte que si D. dispose d’un caryotype XY c’est-à-dire masculin, il présente indiscutablement et encore aujourd’hui une ambiguïté sexuelle » mais s’il s’est marié en 1993 et a adopté un enfant avec son épouse, son apparence masculine (barbe, voix grave) était uniquement la conséquence, expliquait-il, d’un « traitement médical destiné à lutter contre l’ostéoporose » et ne pouvait donc être pris « en considération pour déterminer son ressenti » quant à son identité sexuée.

Et à l’appui de sa requête, D. avait soutenu également et fait plaider que l’identité sexuée résulte de façon prépondérante du sexe psychologique, c’est-à-dire de la perception qu’a l’individu de son propre sexe et qu’en l’espèce, il faisait valoir qu’il était biologiquement « intersexué et ne se considérait, psychologiquement, ni comme un homme ni comme une femme ».

La loi française, dit sobrement la première chambre civile de la Cour de cassation2 , ne permet pas de « faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin » et cette dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l’état civil — qui poursuit « un but légitime en ce qu’elle n’est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur » — n’est pas contraire, précise-t-elle, à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’atteinte au droit au respect de sa vie privée n’étant pas « disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ».

La juridiction suprême prend le soin de préciser que la reconnaissance par le juge d’un « sexe neutre » aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications qui relèvent du seul législateur. Un appel explicite au législateur.

Pour l'instant, seule une circulaire du 28 octobre 2011 envisage la situation des enfants « intersexes » en prévoyant la possibilité de différer la mention du sexe, à titre exceptionnel et avec l'accord du procureur de la République, si ce peut être déterminé définitivement dans un délai d'un ou deux ans mais dans tous les cas, la mention du sexe est simplement retardée : aucun texte n'autorise actuellement une dispense définitive et l'acte de naissance doit être complété.

En Europe, en pareille hypothèse, il n’y a qu’en Allemagne qu’une loi du 7 mai 2013, en vigueur depuis le 1er novembre suivant, permet de ne pas renseigner le champ relatif au sexe en le laissant vide avec la possibilité pour les intéressés, au cours de leur vie, de faire le choix d’un sexe masculin ou féminin ou de garder la mention du sexe non renseignée. En dehors de l’Europe, en revanche, quelques pays (l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde et le Népal) ont admis la création d’une troisième catégorie à l’état civil (sexe neutre ou champ vide comme en Allemagne).

En France, cette situation concerne environ 200 enfants par an selon un rapport de 2017 de la délégation aux droits des femmes du Sénat, intitulé « Variations du développement sexuel : lever un tabou, lutter contre la stigmatisation et les exclusions ».

 

  • 1Orléans, 22 mars 2016, D. c/ ministère public.
  • 2Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-17189, D. c/ parquet général d’Orléans et parquet général de la Cour de cassation.

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