État d’urgence sanitaire : Les loyers restent dus pendant la fermeture générale et temporaire

« La mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public pendant le premier confinement n’a pas entraîné la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution de son obligation de délivrance par le bailleur », a jugé, dans trois arrêts distincts, la troisième chambre civile de la Cour de cassation qui a ainsi dit pour droit qu’un locataire « n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers ».
Pour limiter la propagation du covid-19, les autorités publiques ont en effet interdit lors du premier confinement l’accueil du public dans les locaux commerciaux considérés comme « non-essentiels » et c’est ainsi que de nombreux commerçants-locataires ont décidé de suspendre le règlement de leurs loyers lesquels ont été attraits par leurs bailleurs devant la justice pour en obtenir le paiement.
La question centrale identique soumise à la Cour de cassation par une trentaine de dossiers semblables portait donc sur le fait de savoir si les commerçants et assimilés — à qui il avait été interdit d’accueillir du public pour cause de vente de produits ou de prestations de services jugés « non-essentiels » par le pouvoir politique pendant la période du 23 mars au 11 mai 2020 — étaient juridiquement fondés ou non à différer, ne pas payer ou, à tout le moins, réclamer un rabais sur les loyers contractuellement dus et alors même que la plupart des entreprises — si ce n’est toutes — impactées lourdement ou non par cette fermeture administrative ont pu bénéficier de la largesse du gouvernement qui a rapidement mis en place moult dispositifs d’aides (fonds de solidarité, aide au paiement des loyers et des coûts fixes,…) ainsi que diverses mesures de soutien (prêts garantis par l’État, subventions régionales,…).
La troisième chambre civile de la juridiction suprême a fait le choix d’examiner en priorité trois de cette trentaine de pourvois pour y apporter une réponse
Rappelant que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré par le législateur de 2020 sur l’ensemble du territoire national et qu’ensuite, en application des décrets des 23 mars et 14 avril 2020, toute la population a été confinée jusqu’au 11 mai 2020 sauf pour « effectuer des achats de première nécessité ou de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle », la juridiction suprême a retenu pour droit que (i) les mesures prises par les autorités publiques pour lutter contre la propagation du covid-19 « n’ont pas écarté l’application du droit commun de la relation contractuelle », (ii) l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne peut être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil dans la mesure où il s’agissait d’une interdiction générale et temporaire qui avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination du local loué prévue contractuellement, ce qui ne justifie pas une réduction de loyer, (iii) la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas « constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance » et, enfin, (iv) s'agissant de la force majeure, le locataire, créancier de l'obligation de délivrance de la chose louée, n'est pas fondé à l'invoquer.