Filiation : Irrecevabilité de l’action du père biologique contre le père d’intention

L’action en contestation de la reconnaissance de paternité d’un tiers, destinée à établir sa propre filiation sur l’enfant et reposant sur une convention de gestation pour autrui, est « irrecevable », a approuvé la Cour de Cassation, car fondée sur « un contrat prohibé par la loi ».
En l’espèce, un couple d’hommes avait conclu avec une dame une convention de gestation pour autrui (GPA) aux termes de laquelle celle-ci devait « porter, contre rémunération, l’enfant qu’elle concevrait à l’aide du sperme de l’un ou de l’autre ». Au cours de la grossesse, le père biologique a reconnu l’enfant mais quelques mois plus tard, la gestatrice a indiqué au couple que l’enfant était mort-né. Ayant par la suite appris que l’enfant était vivant et qu’il avait été reconnu par un autre homme, au foyer duquel il demeurait depuis sa naissance, le donneur d’ordre a déposé plainte à l’encontre de la gestatrice pour escroquerie.
Tous les protagonistes (le couple gai, le couple hétéro et la gestatrice) ont, tous, été condamnés pénalement et, au cours de l’enquête pénale, il a été établi la gestatrice avait décidé de confier l’enfant à naître au couple hétéro « contre rémunération, sans faire état de l’existence de "l’insémination artisanale" à l’origine de sa grossesse et du couple [gai] ». Le père biologique a alors assigné le père d’intention et la gestatrice « en contestation de la paternité du premier et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant » et en demandant le changement de nom de l’enfant, l’exercice exclusif de l’autorité parentale et la fixation de sa résidence chez lui.
Pour déclarer irrecevables ces demandes, les juges du fond avaient retenu, en application de l’article 16-7 du code civil selon lequel « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle », que l’illicéité de la gestation pour autrui ne permettait pas au père biologique d’exercer une action tendant à établir « la filiation biologique de son enfant ou à contester sa filiation à l’égard du parent d’intention », même si ce dernier l’a « reconnu frauduleusement après avoir également [lui-même] conclu un contrat de mère porteuse ».
La réalité biologique, avaient estimé les juges rouennais, n’apparaît pas « une raison suffisante pour accueillir la demande » au regard « du vécu de l’enfant » qui vit depuis sa naissance chez le père d’intention, qui « l’élève avec son épouse dans d’excellentes conditions, de sorte qu’il n’est pas de son intérêt supérieur de voir remettre en cause le lien de filiation avec celui-ci, ce qui ne préjudicie pas au droit de l’enfant de connaître la vérité sur ses origines » et il en est ainsi « même si la façon dont ce lien de filiation a été établi par une fraude à la loi sur l’adoption n’est pas approuvée », précisant que seul le procureur de la République est habilité à contester « la reconnaissance [du père d’intention » et qu’il a fait savoir qu’il n’entendait pas agir à cette fin ».
La première chambre civile de la Cour de cassation