Filiation : Pas d’acte de notoriété au concubin ni à l’époux de même sexe

Cour de cassation

Sous réservé d’un contrôle de conventionnalité qui relève des juges du fond, la Cour de cassation est d’avis qu’un juge d’instance « ne peut délivrer un acte de notoriété faisant foi de la possession d’état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie ».

La demande d’avis a été formulée par le tribunal d’instance de Saint-Germain-en-Laye dans une procédure concernant une dame qui sollicitait, au visa de l’article 317 du code civil, la délivrance d’un acte de notoriété alors que la filiation était déjà établie à l’égard de sa concubine.

L’article 317 précité dispose en effet que « chacun des parents ou l'enfant peut demander au juge du tribunal d'instance du lieu de naissance ou de leur domicile que lui soit délivré un acte de notoriété qui fera foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire./ L'acte de notoriété est établi sur la foi des déclarations d'au moins trois témoins et, si le juge l'estime nécessaire, de tout autre document produit qui attestent une réunion suffisante de faits au sens de l'article 311-1./ La délivrance de l'acte de notoriété ne peut être demandée que dans un délai de cinq ans à compter de la cessation de la possession d'état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu, y compris lorsque celui-ci est décédé avant la déclaration de naissance./ La filiation établie par la possession d'état constatée dans l'acte de notoriété est mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant./ Ni l'acte de notoriété, ni le refus de le délivrer ne sont sujets à recours. » et selon l’article 320 du même code, « tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait ».

Dans son avis, la première chambre civile de la Cour de cassationCiv. 1re, avis, 7 mars 2018, n° 17-70039. rappelle qu’en ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a « expressément exclu qu’un lien de filiation puisse être établi à l’égard de deux personnes de même sexe, si ce n’est par l’adoption » et l’article 6-1 du code civil dispose que le mariage et la filiation adoptive emportent « les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier […], que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe ».

Les modes d’établissement du lien de filiation prévus au titre VII du livre Ier du code civil — tels que la reconnaissance ou la présomption de paternité, ou la possession d’état — n’ont donc pas été ouverts, relève la juridiction suprême, aux époux de même et a fortiori aux concubins de même sexe, étant précisé qu’en toute hypothèse, l’article 320 du code civil fait obstacle à l’établissement d’une filiation qui contredirait la filiation légale non judiciairement contestée.

Ces dispositions s’opposent donc, selon la Cour de cassation, à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soit établies à l’égard d’un même enfant, ce qui fait que — sauf contrôle de conventionnalité, au regard de l’article 3 §1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989 et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui relève de l’examen préalable des juges du fond — un lien de filiation « ne peut être établi, par possession, à l’égard du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie ».