GPA : La théorie de la fraude ne peut faire échec à la transcription d’un acte de naissance

Contrairement à l’adage latin bien connu des juristes « fraus omnia corrumpit », la fraude à la loi ne corrompt plus tout. Ainsi en a décidé l’assemblée plénière de la cour de cassation dans deux arrêts distincts concernant la transcription ou non sur les actes de l’état civil français de l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger au moyen d’une convention de gestation pour le compte d’autrui (GPA).

Les deux arrêts, refusant pour l’un et ordonnant pour l’autre la transcription de l’acte de naissance, émanent, tous deux, de la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine), compétente à l’égard des services de l’état civil pour les français nés à l’étranger établi à Nantes (Loire Atlantique). Dans les deux cas, il s’agit d’un enfant né en 2011 à Moscou, en Russie, d’un père de nationalité française et d’une ressortissante russe qui avait porté et accouché de l’enfant à la suite d’une convention de gestation pour autrui qui est contraire à l’article 16-7 du code civil qui décrète que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle », l’article 16-9 précisant qu’il s’agit là d’une disposition « d’ordre public ».

Dans le premier arrêt, rendu le 15 avril 2014, pour refuser la transcription de l’acte de naissance sur un registre consulaire, les juges rennais avaient fait application de la jurisprudence de la première chambre civileCiv. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-66486, 10-19053, 09-17130 ; 13 sept. 2013, n° 12-30138, 12-18315 ; 19 mars 2014, n° 13-50005. en retenant qu’il existait « un faisceau de preuves de nature à caractériser l’existence d’un processus frauduleux, comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue entre [le père biologique] et [la mère porteuse] ». Dans le second arrêt, rendu le 16 décembre 2014, pour en ordonner la transcription, les mêmes juges rennais avaient fait droit à la demande de transcription au visa des articles 3 de la Convention de New York et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en prenant en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect dû à sa vie privée et familiale.

Entre ces deux décisions de la cour de Rennes, les arrêtsCEDH, 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; n° 65941/11, Labassée c/ France.Mennesson et Labassée de la Cour européenne des droits de l’homme qui, tout en jugeant que l’interdiction de la GPA n’est pas contraire à la Convention, a considéré que le refus de transcrire la filiation des enfants à l’égard du père biologique, telle qu’elle apparaît sur l’acte étranger, constitue « une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants » qui est protégée par l’article 8 de la Convention.

Ces deux arrêts de l’assemblée plénière de la cour suprêmeAss. pl., 3 juill. 2015, n° 14-21323, Dominique X c/ parquet général de Rennes et a. accueillant le pourvoi contre l’arrêt du 15 avril 2014 ; n° 15-50002, parquet général de Rennes c/ Patrice X rejetant le pouvoir contre l’arrêt du 16 décembre 2014. ne font donc qu’appliquer la jurisprudence en la matière de la Cour de Strasbourg en retenant que les actes de naissance dont la transcription est demandée « mentionnent comme père celui qui a effectué une reconnaissance de paternité comme père et comme mère la femme ayant accouché » et selon les articles 47 du code civil et l’article 7 du décret du 3 août 1962, l’acte de naissance d’un français né à l’étranger doit être transcrit sur les registres de l’état civil sauf à démontrer que l’acte est « irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont relatés ne correspondent pas à la réalité », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il ne s’agit donc pas d’une reconnaissance de la GPA qui reste interdite en France mais de la prise en compte du seul intérêt de l’enfant qui ne peut être tenu pour responsable des décisions, bonnes ou mauvaises, des parents.