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GPA : Transcription en France de l’acte de naissance étranger

Par Nicolas de Will | LEXTIMES.FR |
Cour de cassation. Cour de cassation.

L’existence d’une convention de gestation pour autrui (GPA) ne fait pas nécessairement obstacle, a jugé, vendredi, dans deux arrêts distincts, l’assemblée plénière de la Cour de cassation après condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, à la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger dès lors qu’il n’est « ni irrégulier ni falsifié » et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la « réalité biologique ».

Dans un premier temps, la Cour de cassation avait refusé la transcription de ces deux actes de naissance établis à l’étranger au motif que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle en vertu de l’article 16-7 du code civil » et que l’acte étranger est « en contrariété avec la conception française de l’ordre public international »1 .

Dans les deux cas, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en retenant que le refus de transcription de l’acte de naissance de ces enfants nés d’un processus de GPA « affectait significativement le droit au respect de leur vie privée » et posait une « question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur de l’enfant »2 et estimant que cette analyse prenait un relief particulier lorsque l’un des parents d’intention était « également le géniteur de l’enfant » pour en déduire qu’en faisant « obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique », l’État était allé « au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation ».

L’assemblée plénière de la Cour de cassation était saisie par la Cour de réexamen des décisions civiles de deux demandes de réexamen de pourvois en cassation à la suite des condamnations précitées de la France par la Cour de Strasbourg et dans le premier cas, s’agissant des jumeaux nés en 2010 en Inde dont le père d’intention est également le géniteur des enfants, l’assemblée plénière3  a réaffirmé son revirement de jursiprudence, selon lequel « l’existence d’une convention de GPA ne fait pas nécessairement obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger dès lors qu’il n’est ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité biologique », opéré dès 20154 .

Dans le second cas, en revanche, s’agissant des deux jumelles nées en 2000 en Californie, dont le père est également le géniteur et dont la « mère d’intention » demande, sur le fondement de l’article 8 de la Convention, la transcription des actes de naissance en ce qu’ils la désignent indépendamment de « toute réalité biologique », l’assemblée plénière a estimé que l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les Etats parties à cet égard demeure « incertaine » au regard de la jurisprudence de la Cour européenne, et sollicite un avis consultatif sur ce point en ces termes :

  • En refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui en ce qu’il désigne comme étant sa “mère légale” la “mère d’intention”, alors que la transcription de l’acte a été admise en tant qu’il désigne le “père d’intention”, père biologique de l’enfant, un Etat-partie excède-t-il la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? A cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la “mère d’intention” ?
  • Dans l’hypothèse d’une réponse positive à l’une des deux questions précédentes, la possibilité pour la mère d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un mode d’établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l’article 8 de la Convention ?

Il s’agit, souligne le communiqué, de la première application par la Cour de cassation du Protocole n°16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, entré en vigueur le 1er août 2018, qui permet aux « plus hautes juridictions d’une Haute Partie contractante » de solliciter de la part de la Cour de Strasbourg un avis consultatif sur « des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles ».

 

  • 1Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 10-19.053 et 13 sept. 2013, n° 12-30.138, Bull. 2013, I, n° 176.
  • 2CEDH, 5e sect., 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; 21 juill. 2016, n° 9063/14 et 10410/14, Foulon et Bouvet c/ France.
  • 3[Ass. pl., 5 oct. 2018, n° 12-30138, procureur général de Rennes c/ Philippe X.
  • 4Ass. pl., 3 juill. 2015, n° 14-21323 et 15-50002.