Injure/diffamation : Compétence du tribunal correctionnel en cas de diffamation et proscrire le cumul de qualification

La cour d’appel de Toulouse a infirmé le jugement qui avait reconnu Vincent Terrail-Novès coupable de diffamation envers le maire PS de Balma (Haute-Garonne) Alain Fillola et l’avait condamné à lui payer la somme 7 500 euros pour « l’atteinte subie à son honneur et à sa considération ».
En cause des propos qualifiés d’injurieux et/ou diffamatoires, publiés au cours de l’été 2012 sur le site balma-a-cœur.fr ainsi que dans le numéro 54 du magazine Balma info et dans le numéro 10 du journal de l’association Balma à cœur, poursuivis devant la juridiction civile par le maire socialiste de Balma à l’encontre de son challenger UMP sur le fondement des articles 23, 29, 31 et de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Le tribunal avait fait un premier tri en écartant un article dont la prescription était acquise à la date de l’assignation du 17 octobre 2012, des propos poursuivis sous la qualification d’injure qui s’inscrivaient « dans un discours politique et ne comportent ni expression outrageante, ni terme de mépris ou invective, mais renferment l’imputation de faits précis, consistant à affirmer ou suggérer que [le maire de Balma] consent à des promoteurs des ventes de terrains appartenant à la commune, privilégiant ainsi les intérêts de ces derniers au détriment de ceux des habitants de la commune » et des propos poursuivis sous la qualification de diffamation qui ne le visaient pas directement. Certaines allégations et imputations « portaient d’évidence et incontestablement atteinte à l’honneur et à la considération » de M. Fillola et le tribunal avait fait droit à sa demande de dommages et intérêts à concurrence de 7 500 euros.
Mais l’assignation étant un concentré de toutes les erreurs à ne pas faire en matière de droit de la presse, elle n’a pas résisté aux fourches caudines de la cour d’appel
La juridiction pénale est seule compétente pour des faits de diffamation
Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, art. 46.
M. Fillola a soumis ses demandes à la juridiction civile. Or, selon l’article 46, rappelle la cour, « l’action civile résultant des délits de diffamation prévus et punis par les articles 30 et 31 […] ne peut être poursuivie séparément de l’action publique ». Pour la cour, il s’agit d’une véritable fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile qui prive M. Fillola « du droit d’agir en dehors de ce cadre procédural » et qui peut être soulevée en tout état de cause et « même pour la première fois à hauteur d’appel ».
L’estoppel
Nullité de l’assignation en cas de poursuite sous la double qualification d’injure et diffamation
Cour d’appel de Toulouse, 11 févr. 2014, Vincent Terrail-Novès c/ Alain Fillola.
Des propos identiques ou quasiment identiques, même de date différente, ne peuvent être poursuivis, rappelle également la cour, sous une double qualification d’injure et de diffamation. Or, la cour a relevé dans l’assignation que des propos mentionnés au titre des injures étaient également poursuivis au titre de la diffamation. Il en va ainsi, par exemple, des propos injurieux « la ville est vendue aux promoteurs » alors que les expressions « Vinci peut remercier M. le Maire qui est devenu le maire des promoteurs » et « excellente opération pour la société d’aménagement du Grand Toulouse dont le maire de Balma est le président et qui vend les terrains aux promoteurs » sont poursuivies au titre de la diffamation.
Faire des cadeaux aux promoteurs, vendre des terrains aux promoteurs, être le maire des promoteurs et défendre non les habitants de la commune de Balma mais les intérêts particuliers de quelques particuliers sont qualifiés, constate la cour, de propos tant diffamatoires qu’injurieux de sorte qu’en raison de cette double qualification d’injures et de diffamations d’imputations identiques ou quasi identiques, l’assignation est, contrairement à l’opinion du premier juge, « à l’évidence nulle en son entier ».
M. Fillola s’en sort quand même à bon compte, juste les dépens des deux instances. Ni frais irrépétibles ni dommages et intérêts à payer.