Liberté d'expression : Poursuivre l’éditeur d’une biographie non autorisée peut constituer un abus

Franck Sorbier et Isabelle Tartière entourés de leurs témoins, 27 août 2011. Capture d'écran purepeople.com.
Franck Sorbier et Isabelle Tartière entourés de leurs témoins, 27 août 2011. Capture d'écran purepeople.com.

Franck Sorbier et sa maison de haute couture ont été condamnés chacun à une amende civile de 1 500 euros par le juge de l’urgence de Nanterre pour « avoir agi avec une légèreté blâmable et abusé de leur droit d’agir en justice »dans le cadre d’un procès intenté à l’encontre de l’éditeur et du diffuseur d’une biographie non autorisée.

Estimant que la seule utilisation de son nom patronymique sans son autorisation constituait une « atteinte à sa vie privée » et que des informations relevant « de la sphère privée ou d’ordre intime » concernant sa compagne et directrice financière de la maison de la haute couture, Isabelle Tartière, avaient en outre été dévoilées, le couturier avait saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre après avoir découvert l’ouvrage intitulé « Franck Sorbier » publié par une société de droit mauricien et diffusé en France suramazon.fr.

Pour le débouter de ses demandes à l’encontre de l’éditeur du livre — l’action à l’encontre des autres défendeurs ayant été jugée irrecevable —, le tribunalTGI Nanterre, ord., 6 févr. 2014, Franck Sorbier et société Rosheicollis c/ sociétés Amazon.fr, International book marked service Ltd., VDM Managament GmbH et VDM Holding GmbH. rappelle que le nom patronymique constitue « un élément d’état civil, dont public, sa seule utilisation ne peut, en soi, constituer une atteinte à l’intimité de la vie privée de son titulaire, le fait que M. Sorbier serait un personnage de la scène publique à la tête de maisons de haute couture étant à cet égard totalement indifférent ». Quant aux informations que l’ouvrage dévoile concernant la sphère privée ou d’ordre intime en indiquant qu’il travaille notamment avec Mme Isabelle Tartière qui est sa compagne et la directrice de la maison de haute couture, il s’agit, constate le juge de l’urgence, d’une information relative à sa vie professionnelle qui « ne relève donc pas en soi de sa vie privée ».

M. Sorbier ne peut davantage faire grief à l’éditeur d’avoir précisé que Mme Tartière serait sa compagne, poursuit le tribunal, puisqu’il s’est marié avec elle en 2011 et que « leur communauté de vie est nécessairement publique […] cette information [ayant] été rendue notoire par M. Sorbier lui-même qui a accepté de poser pour un reportage photographique réalisé lors de son mariage et qui a été publié sur le site purepeople.com ».

En faisant le choix d’assigner en référé des parties, dont certaines sont domiciliées à l’étranger, qui n’étaient manifestement pas concernées par le litige, en soutenant des prétentions à l’évidence dépourvues de tout fondement juridique et vouées à l’échec, M. Sorbier et la société Rosheicollis, juge le tribunal, ont agi « avec une légèreté blâmable et abusé de leur droit d’agir en justice » et sont condamnés chacun à une amende civile de 1 500 euros, outre 5 000 euros à chacune des sociétés défenderesses au titre des frais irrépétibles.