Litige : Une procédure préalable obligatoire interdit une saisine directe du juge

La mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance, a jugé la chambre mixte de la cour de cassation.

En l’espèce, un promoteur avait fait construire un ensemble immobilier en ayant confié des missions de maîtrise d’œuvre à la société Arnal-Lafon-Cayrou, d’étude de béton à la société OCD 34 et d’étude des sols à la société Arcadis. Le contrat conclu le 3 février 2006 entre le promoteur immobilier et l’architecte prévoyait qu’en cas de litige « […] les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil régional de l’ordre des architectes dont relève le maître d’œuvre, avant toute procédure judiciaire. À défaut de règlement amiable, le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes ».

Les travaux ayant nécessité une quantité de béton supérieure à celle préconisée par la société OCD 34 à partir de l’étude de sols réalisée par la société Arcadis, une ordonnance de référé du 28 septembre 2006 a prescrit une mesure d’instruction à la suite de laquelle, après dépôt du rapport d’expertise, par acte du 11 août 2009, le promoteur a assigné les sociétés Arnal-Lafon-Cayrou et OCD 34 en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1146 et suivants du code civil, sans solliciter préalablement l’avis de l’ordre des architectes tel que prévu dans le contrat conclu avec la société Arnal.

L’action est déclarée irrecevable par les juges du fondMontpellier, 30 mai 2013, société Proximmo c/ société d’architecture et d’urbanisme Arnal-Lafon-Cayrou et a. à l’encontre de l’architecte au seul motif que le promoteur, la société Proximmo, n’avait pas saisi le Conseil général de l’ordre des architectes préalablement à l’introduction de l’instance alors qu’il était soutenu que le défaut de mise en œuvre d’une clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue « une fin de non-recevoir qui peut être régularisée jusqu’au jour où le juge statue, même postérieurement à l’acte introductif d’instance » et, au cas particulier, l’avis de l’ordre des architectes avait été sollicité le 21 septembre 2010 et obtenu le 13 décembre 2010, soit quatre mois avant que les premiers juges ne statuentTGI Rodez, 29 avr. 2011, société Proximmo c/ société d’architecture et d’urbanisme Arnal-Lafon-Cayrou et a..

La cour de cassationCh. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19684, société Proximmo c/ société d’architecture et d’urbanisme Arnal-Lafon-Cayrou et a., rapport du conseiller-rapporteur Pascal Chauvin, avis du premier avocat général Yves Charpenel. approuve les juges du fond en disant pour droit qu’il s’agit en l’occurrence d’une fin de non-recevoir insusceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance. La clause contractuelle, rappelle la chambre mixte composée des trois chambres civiles, de la chambre commerciale et de la chambre sociale, prévoyait une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge pour favoriser « une solution du litige par le recours à un tiers » et cette procédure obligatoire et préalable — c’est le bon sens même ! — ne peut plus être utilement mise en œuvre dès lors que le juge a été saisi précipitamment alors qu’il n’aurait dû l’être qu’après« une tentative de règlement amiable » et uniquement « à défaut de règlement amiable ». Une nouvelle action reste néanmoins possible, comme le rappelle le conseiller-rapporteur Pascal Chauvin, après une mise en œuvre correcte de la clause contractuelle.