Marques génériques : Vente-privee.com, marque descriptive et sans distinctivité qui a de la notoriété

À quelques jours d’intervalle, la société vente-privee.com a été au centre de deux décisions de la part du tribunal de Paris. Dans l’une, les termes de sa marque sont jugés entièrement descriptifs au jour du dépôt et il est fait droit à une demande de nullité de sa marque pour défaut de distinctivité. Dans l’autre, il lui est reconnu caractère distinctif et renommée. Explications.

Dans le premier jugement rendu par la première section de la troisième chambreTGI Paris, ch. 3-1, 28 nov. 2013, n° 12/12856, société Showroomprive.com c/ société Vente-privee.com., la société vente-privee.com avait été assignée devant la juridiction parisienne par son concurrent showroomprive.com en annulation de la marquevente-privee.com enregistrée le 16 janvier 2009 pour « défaut de caractère distinctif ». Dans le second rendu par la troisième section de la même chambreTGI Paris, ch. 3-3, 6 déc. 2013, société Vente-privee.com c/ A., elle avait fait assigner une personne domiciliée au Pakistan qui était titulaire de noms de domaine voisins (venteprivees.comventprivee.com,vente-priveee.com et ventprive.com) et qui les proposait aux enchères sur la plate-forme sedo.fr et les exploitait via des pages parking comprenant des liens hypertextes publicitaires.

Pour faire droit à la demande de nullité de la marque verbale vente-privee.comsollicitée par son concurrent showroomprive.com, la première section relève qu’en 2009, les termes « vente privée » constituaient un terme nécessaire« pour désigner un service de ventes particulier consistant à offrir lors d’événements limités dans le temps et à un public restreint, parrainé, des produits de marques en nombre limité résultant d’un déstockage ». L’adjonction de la désinence .com ne crée pas « une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui la composent » et le tribunal juge que ces termes génériques étaient, au jour du dépôt, entièrement descriptifs de l’activité exercée par l’entreprise et ne peuvent, à moins d’avoir acquis une distinctivité par l’usage, être protégés en application des dispositions de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle.

Les critères pour apprécier l’acquisition du caractère distinctif par l’usage ont été posés par la Cour de LuxembourgCJCE, 4 mai 1999, n° C-108/97 et C-109/97, Windsurfing Chiemsee Produktions- und Vertriebs GmbH (WSC) contre Boots- und Segelzubehör Walter Huber et Franz Attenberger. et tiennent notamment à la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique, la durée de l’usage de la marque, l’importance des investissements,... Le tribunal ne retient pas le caractère notoire de la marque venteprivee.com au motif que la société ne fait « aucun distingo » entre la reconnaissance de son enseigne et sa notoriété « pour établir la notoriété de sa marque », faisant une confusion entre notoriété de l’entreprise, notoriété du site internet et notoriété des marques, se bornant à revendiquer la position de « leader » avec près de 90 % du marché et avoir une « forte notoriété ».

L’activité importante déployée à travers son site internet ne confère pas àvente-privee.com « une distinctivité telle qu’elle lui permet de s’approprier des termes génériques qui doivent rester disponibles pour tous les acteurs de la vie économique agissant dans ce secteur » et le tribunal de marteler, pour faire droit à la demande de nullité de la marque, que la société n’a « aucune légitimité à monopoliser à son seul profit les termes vente-privee.com à titre de marque et à priver ses concurrents de l’usage de ces mots sauf à introduire une distorsion dans les règles de la libre concurrence et à générer un contentieux inutile ».

Pour la troisième section de la première chambre du même tribunal, en revanche, le signe vente-privee.com présente un caractère distinctif permettant à la société de poursuivre les « actes de concurrence déloyale et parasitaire » d’un titulaire de noms de domaine voisins. Il ne s’agit toutefois que d’un jugement réputé contradictoire statuant uniquement sur des mesures provisoires et conservatoires à l’encontre d’une personne assignée à jour fixe mais qui est domiciliée au Pakistan et qui n’a pas constitué avocat. Sur le fond, le tribunal ne se prononcera qu’à une date postérieure au 28 février 2014 pour respecter les délais de procédure quant aux actes délivrés à l’étranger.

Il n’empêche qu’au vu des pièces, non débattues contradictoirement, le tribunal a retenu caractère distinctif, renommée, notoriété pour faire droit aux mesures provisoires quant aux actes de concurrence déloyale et parasitaire allégués.

Deux décisions a priori contradictoires mais pas vraiment car dans un cas, il s’agissait de statuer sur l’appropriation de termes génériques à titre de marque sans rapporter la preuve du caractère distinctif par l’usage et, dans l’autre cas, une décision provisoire concernant des agissements manifestement parasitaires.