Noblesse d'adoption : Des informations publiques qui doivent demeurer confidentielles

Le simili-nobiliaire français de Pierre-Marie Dioudonnat

Bien que les registres de naissance de l’état civil soient des archives publiques communicables de plein droit, certaines des informations qu’ils contiennent, et notamment celles portant sur les modalités d’établissement de la filiation, relèvent de la sphère de la vie privée et bénéficient de la protection édictée par les articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a jugé la Cour de cassation à l’occasion d’un litige opposant un noble d’adoption à l’auteur d’un ouvrage sur la noblesse de bas étage.

Mécontents que le caractère adoptif de leur filiation figure dans la notice relative à leur nom de famille dans l’ouvrage intitulé « Le simili-nobiliaire français » (Pierre-Marie Dioudonnat, Éditions Sédopols, 2002, 541 p.), le noble par adoption, Jean, et son fils, Christophe, ont assigné l’auteur et la société éditrice, en invoquant l’atteinte portée à leur vie privée, pour obtenir la suppression de toute mention de leur nom dans les éditions ultérieures ainsi que la réparation de leur préjudice.

Pour faire droit à la demande et accorder 5 000 euros de dommages-intérêts, les juges du fondParis, 1er avr. 2016, Pierre-Marie Dioudonnat et a. c/ Jean et Christophe Y. avaient estimé que « la filiation adoptive de M. Jean […] appartient à son histoire personnelle et à l’intimité de sa famille » pour juger que la divulgation dans un ouvrage destiné au public de la filiation adoptive de l’intéressé portait « atteinte à [sa] vie privée » alors que l’auteur de l’ouvrage, Pierre-Marie DIoudonnat, soutenait que l’état civil d’une personne « ne fait plus partie de la sphère privée protégée par l’article 9 du code civil » lorsqu’il devient « accessible au public » et qu’au cas particulier, il avait effectivement pu consulter et obtenir une copie intégrale de l’acte de naissance du roturier anobli.

C’est au visa de l’article L. 213-2 I 4° e) du code du patrimoine (rédaction loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives) selon lequel les registres de naissance de l’état civil constituent, à l’expiration d’un délai de 75 ans à compter de leur clôture, des archives publiques communicables de plein droit à toute personne qui en fait la demande que la première chambre civile de la Cour de cassationCiv. 1e, 18 oct. 2017, n° 16-19740, Pierre-Marie Dioudonnat et a. c/ Jean et Christophe Y. dit pour droit néanmoins que « certaines des informations qu’ils contiennent et, notamment, celles portant sur les modalités d’établissement de la filiation, relèvent de la sphère de la vie privée et bénéficient, comme telles, de la protection édictée par les articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et approuve ainsi les juges du fond qui avaient retenu que « quand bien même l’acte de naissance de M. Jean [...], portant mention de son adoption, avait pu être consulté par M. Dioudonnat en application de l’article 17 de la loi du 15 juillet 2008, cet acte ayant été dressé depuis plus de soixante-quinze ans, [sa] divulgation, dans un ouvrage destiné au public, de la filiation adoptive de l’intéressé, sans son consentement, porte atteinte à sa vie privée ».

Édité pour la première fois en 2002, l’ouvrage litigieux reprenait ce qui était jadis appelé le « Dictionnaire de la fausse noblesse et de la noblesse d'apparence », tous les noms d'apparence noble mais qui n'appartiennent pas à la noblesse française, avec généralement un rappel sur l'origine du nom, un historique du changement de nom, des remarques sur l'éventuel titre, etc…

Pierre-Marie Dioudonnat, 72 ans, a consacré une bonne partie de sa vie aux noms à particule et est considéré comme un spécialiste en la matière. Son éditeur indiquait, en quatrième de couverture sur la dernière édition publiée en 2012 qui n'est plus disponible, qu’à l’origine, « pratique aristocratique, l'usage du nom à particule a débordé, depuis des siècles, les limites de la noblesse stricto sensu, et celui des titres a suivi. Les 6 000 noms de la noblesse d'apparence sont […] révélés, localisés, analysés, expliqués, en un répertoire unique, de A à Z. Au-delà d'un dictionnaire d'histoire des noms, objectif par nature (des faits, des dates), c'est un panorama sans préjugé ni complaisance de la société française contemporaine, de ses nostalgies et de ses mythes, que l'auteur a voulu dresser à travers l'examen précis de comportements patronymiques particuliers ». La Cour de cassation met un point final à ce déballage.