Dans la première affaire, l’appelant n’avait pas communiqué ses pièces en même temps que la notification de ses conclusions intervenue dans le délai de trois mois de l’article 908 du code de procédure civile alors que l’article 906 du même code dispose que « les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties à celui de l’autre partie […] » mais aucune sanction n’est toutefois prévue.
Dans un avis25 juin 2012, n° 12-00005, Bull. Avis n° 5., la cour de cassation avait bien suggéré que « les pièces, invoquées au soutien des prétentions, qui ne seraient pas communiquées simultanément à la notification des conclusions, [devaient] être écartées des débats » mais cela avait été mal perçu et critiqué par la doctrine. La cour d’appel de Bordeaux n’a ainsi pas estimé devoir écarter les pièces non communiquées simultanément en considérant que « cette absence de simultanéité n’avait pas porté atteinte au principe de la contradiction » et n’avait pas mis l’intimé en difficulté pour répliquer en défense.
Une certaine confusion régnait, certaines cours d’appelOrléans, 2 juill. 2013, n° 12/00235 ; Toulouse, 6 mai 2013, n° 12/01272 ; Basse Terre, 23 juill. 2013, n° 12/01049 ayant opté pour une application de la règle de la simultanéité « sans autre exigence que le constat de sa méconnaissance » pour écarter les pièces non communiquées de façon synchrone aux conclusions, d’autres, en revanche, en plus grand nombreDouai, 14 févr. 2012, n° 11/06574 ; 7 mai 2014, n° 12/06992 ; Lyon, 7 mars 2013, n° 11/06574; 27 mars 2013, n° 12/04243 ; Bourges, 13 mars 2014, n° 13/00461 ; Nancy, 23 avr. 2014, n° 13/00802 ; Paris, 7 oct. 2014, n° 12/06102., ayant opté pour une application conditionnée « à une atteinte au respect d’un temps utile permettant d’assurer la contradiction ».
C’est cette dernière solution qui est retenue par l’assemblée plénière de la Haute juridiction judiciaireAss. pl., 5 déc. 2014, n° 13-19674, Christian et Brigitte Z. c/ SCP Jean-Michel C. et a., rapport du conseiller-rapporteur Ingrid Andrich, avis du premier avocat général Marie-Thérère Lesueur de Givry. qui approuve les juges bordelais et se démarque d’une application automatique d’un rejet des pièces communiquées asynchrone, en cas de conclusions notifiées dans les délais des articles 908 et 909 du code de procédure civile, si la partie qui dénonce le défaut de simultanéité « n’a pas été entravée dans l’exercice de ses droits [et] que le principe de la contradiction a été respecté dans un débat demeuré loyal ».
Dans la seconde affaire, les conclusions de l’intimé avaient été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état car tardives en application de l’article 909 du code de procédure civile. La cour d’appel de Dijon n’avait toutefois pas écarté les pièces communiquées par l’intimé car, expliquait-elle, « l’irrecevabilité des conclusions tardives ne pouvait être étendue aux pièces qui ont été versées […] en l’absence de dispositions spécifiques de l’article 909 du code de procédure civile ou d’un autre texte ».
La cour de cassationAss. pl., 5 déc. 2014, n° 13-27501, Chantal X. c/ SCP Jean-Bernard X., rapport du conseiller-rapporteur Ingrid Andrich, avis du premier avocat général Marie-Thérère Lesueur de Givry. désapprouve en disant pour droit que ces pièces doivent être écartées car elles ne peuvent plus « se rattacher et venir au soutien d’une quelconque prétention recevable » en raison de l’irrecevabilité des conclusions de l’intimé. Le pourvoi est néanmoins rejeté dans la mesure où le motif – légitimement critiqué – est sans portée, la cour d’appel ne s’étant pas, en l’espèce, fondée sur les pièces de l’intimé.