Scientologie : L’État condamné pour déni de justice

Eric Roux.
Eric Roux. Photo DR.

Le tribunal de grande instance de Paris a condamné l’agent judiciaire de l’État à payer à quatre scientologues, à l’église de Scientologie et à sa libraire un total de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour déni de justice à la suite de l’arrêt définitif du 16 octobre 2013 de la cour de cassation rejetant leur pourvoi à l’encontre de l’arrêt du 2 février 2012 de la cour de Paris les condamnant pour exercice illégal de la pharmacie et escroqueries en bande organisée. Une procédure qui a duré 14 ans.

Les deux personnes morales et quatre des cinq personnes physiques poursuivies dans cette procédure ouverte par un réquisitoire introductif du 7 janvier 1999 et qui s’est terminée en octobre 2013 reprochaient à l’État un déni de justice caractérisé par un délai déraisonnable : 66 mois d’instruction, 8 mois pour la communication du dossier au parquet, 14 mois entre l’ordonnance de soit-communiqué et le réquisitoire définitif, 24 mois entre le réquisitoire définitif et l’ordonnance de règlement, 13 mois entre l’ordonnance de règlement et le jugement du tribunal correctionnel, 27 mois pour l’arrêt de la cour d’appel et 20 mois pour l’arrêt de la cour de cassation, soit 14 années de procédure.

L’église poursuivait également l’État pour la « faute lourde » commise par le représentant du ministère public à l’audience devant le tribunal correctionnel qui avait réclamé oralement, le 15 juin 2009, la dissolution de l’église de Scientologie alors que la peine de dissolution n’était plus applicable aux faits poursuivis en application d’une loi votée un mois auparavant, le 12 mai 2009, qui avait supprimé cette possibilité en matière d’escroquerie. Le tribunalTGI Paris, 22 janv. 2014, n° 11/10127, association spirituelle de l’église de Scientologie celebrity centre, Sabine Jacquart, Alain Rosenberg, Jean-François Valli, Aline Fabre et société Scientologie espace librairie c/ Agent judiciaire de l’État. la déboute de ce chef, le caractère « manifeste » de cette erreur étant d’autant« moins établi que la défense elle-même ne l’a pas relevée » lors de l’audience et, en tout état de cause, le tribunal n’ pas prononcé « une telle peine ».

Pour le délai déraisonnable constitutif d’un déni de justice, le tribunal s’attache à disséquer chaque phase de la procédure pour apprécier si le délai a été raisonnable ou non en tenant compte de la « nature de l’affaire […], son degré de complexité [… et] le comportement des parties en cause ». Rien à redire quant aux 66 mois qui avaient été nécessaires pour l’instruction qui concernait 9 personnes mises en examen, un témoin assisté et 4 parties civiles et qui a donné lieu à moult expertises, perquisitions, commissions rogatoires et interrogatoires consignés dans 23 tomes comprenant 1839 pièces . Rien à redire, non plus, pour les 8 mois que le juge d’instruction mettra à communiquer le dossier au parquet puisqu’il a dû rendre, le 19 juillet 2004, 13 ordonnances de rejet de demandes d’acte dont plusieurs ont été frappées d’appel et un de pourvoi non soutenu.

Le délai de 14 mois pour que le parquet signe un réquisitoire définitif de non-lieu le 4 septembre 2006 est, en revanche, considéré comme « déraisonnable et constitutif d’un déni de justice à hauteur de 6 mois ». De même, le délai de 24 mois pour rendre l’ordonnance de règlement est « manifestement excessif et constitutif d’un déni de justice à hauteur de 18 mois » et le délai de 27 mois pour la procédure d’appel est excessif à hauteur d’un an. Le tribunal estime donc que cette procédure aurait dû durer 11 ans au lieu de 14 ans.

Et pour ces trois années au-delà du délai raisonnable, le tribunal accorde 7 000 euros à chacune des quatre personnes physiques et 3 500 euros à chacune des deux personnes morales en réparation de leur préjudice moral, outre 1 500 euros à chacun pour les frais de justice.

« Il s’agit d’une décision qui prouve le caractère inéquitable de cette procédure, aussi bien que les atteintes aux droits fondamentaux des scientologues qui ont émaillé cette affaire depuis le début », a déclaré le porte-parole de l’église de Scientologie Éric Roux qui indique que dans une autre affaire qui avait duré 21 ans, plusieurs scientologues ont obtenu, le 17 octobre dernier, la condamnation de l’État à leur payer plus de 35 000 euros.